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Les ministres de l’Economie et des Finances français (Christine Lagarde), belge (Didier Reynders) et grecque (Georges Papaconstantinou) lors de la réunion extraordinaire du Conseil Affaires économiques et financières du 9 mai 2010 qui après 12 heures de négociations posait les bases d’un mécanisme européen de stabilisation. © Conseil de l’Union européenne

 

A l’issue d’un week end historique, les chefs d’Etats et de gouvernement des pays membres de la zone euro puis leurs ministres de l’Economie et des Finances ont mis en place un fonds doté de 750 milliards d’euros, visant à préserver la stabilité de la zone euro, gravement menacée.

A l’issue d’un week end historique, les chefs d’Etats et de gouvernement des pays membres de la zone euro puis leurs ministres de l’Economie et des Finances ont mis en place un fonds doté de 750 milliards d’euros, visant à préserver la stabilité de la zone euro, gravement menacée. Les hésitations des Européens quant à un éventuel plan de soutien à la Grèce, ajoutées aux très hauts niveaux d’endettement des Etats ont en effet suscité la défiance des marchés. La crise grecque se propageait ainsi à l’ensemble de la zone euro, démontrant à la fois les failles d’une construction monétaire bancale et les divisons entres Etats membres. Après avoir durant des mois réaffirmé le principe de non renflouement d’un Etat membre de la zone euro et justifié l’inaction par le manque d’instruments de l’Union pour faire face à de telles situations, les Européens, placés dos au mur par les marchés, ont riposté de manière inédite à une crise devenue "systémique" (selon le terme employé par le Président Nicolas Sarkozy à l’issu du sommet des chefs d’Etats et de gouvernement de la zone euro, le 7 mai 2010).

La zone euro menacée

Malgré la finalisation du plan d’aide à la Grèce lors de la réunion de l’Eurogroupe du 2 mai, l’Union européenne n’est pas parvenue à rassurer des marchés de plus en plus sceptiques quant à la capacité des Etats à faire front commun face à la crise et de plus plus en plus inquiets quant à l’ampleur des déficits. La dégradation de la note souveraine de l’Espagne et du Portugal, quelques jours auparavant, a augmenté les craintes d’une contagion de la crise grecque à l’ensemble de la zone euro. Un vent de panique s’est alors emparré des places boursières européennes qui, le vendredi 7 mai, clôturaient toutes en forte baisse (-3,27% à Francfort, -2,62% à Londres, -3,28% à Madrid, -3,27% à Milan et -4,6% à Paris). Une onde de choc qui a traversé l’Atlantique puisque le jeudi 6, Wall Street perdait 9% et le Dow Jones enregistrait la plus forte baisse de points de son histoire. La monnaie unique et les marchés obligataires européens ont aussi été la cible des spéculateurs. L’euro franchissait son plus bas niveau depuis mars 2009 (à 1,26 $) tandis que les taux sur les obligations grecques à dix ans dépassaient le niveaux encore jamais atteint des 12%.

Tout comme en octobre 2008, au cœur de la tempête financière, c’est acculés par les marchés que les Européens ont réagi et mis en place des mesures inédites.

La solidarité contre la discipline

Réunis le 7 mai en sommet extraordinaire, les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro ont décidé de répondre à la crise en affichant avec détermination une solidarité qui jusqu’à présent avait fait défaut : "L’ensemble des institutions ainsi que tous les Etats membres de la zone euro conviennent de faire usage de l’ensemble des moyens disponibles pour assurer la stabilité de la zone euro"(cf Déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement à l’issue du sommet).

Les dirigeants ont alors chargé la Commission européenne de proposer "un mécanisme européen de stabilisation", afin de le soumettre deux jours plus tard aux ministres de l’Economie et des Finances. Une procédure d’urgence rompant avec la traditionnelle lenteur du processus de décision européen mais surtout avec les récents atermoiements autour du cas grec. Cette réaction politique visait avant tout à contrer les attaques spéculatives dont faisaient l’objet la zone euro et la monnaie unique et présenter la riposte de l’Europe, avant l’ouverture des marchés mondiaux, le lundi 10 mai.

Consciente des menaces pesant la monnaie unique, la Chancelière Angela Merkel qui s’était jusqu’à présent montrée très réticente à venir en aide à la Grèce, a accepté le principe d’un plan européen de sauvetage. Une solidarité qui toutefois devait avoir comme contrepartie essentielle la discipline budgétaire. Les Etats membres de la zone euro se sont ainsi engagés à faire de "l’assainissement des finances publiques une priorité pour chacun d’entre nous", tout en demandant une application plus "rigoureuse" du pacte de stabilité et de croissance.

"Le renforcement de la gouvernance économique" au sein de la zone euro a constitué le troisième axe de la réponse des chefs d’Etat. Plus que jamais, la coordination renforcée des politiques économiques et budgétaires apparaissait comme la contrepartie essentielle au bon fonctionnement de la zone euro. Cette crise sans précédent pouvait ainsi permettre d’espérer que l’on passe du slogan politique aux actes.

Le mécanisme de stabilisation

A l’issue du Conseil EcoFin extraordinaire du 9 mai et après des négociations marathon, les ministres de l’Economie et des Finances ont trouvé un accord sur un "mécanisme européen de stabilisation pour préserver la stabilité financière", doté de 750 milliards d’euros. Ce mécanisme fait à la fois intervenir la Commission européenne, les Etats membres, la BCE et le FMI.

Un fonds communautaire de 60 milliards d’euros

Alors que jusqu’à présent, la réponse de l’Europe à la crise avait été purement intergouvernementale, se limitant à la juxtaposition de plan de sauvetage ou de relance nationaux, les dirigeants européens s’entendaient pour la première fois sur la mise en œuvre d’un mécanisme communautaire, plaçant au premier plan la Commission européenne. Les Etats membres ont su pour cela exploiter toutes les potentialité offertes par le Traité de Lisbonne et contourner ainsi la clause de non renflouement (article 125 TFUE), pourtant présentée jusqu’alors comme une règle indépassable. Introduite par le traité de Maastricht cette clause interdit d’apporter une aide financière un pays membre de la zone euro. Il existe en revanche un mécanisme de prêt destiné à aider les pays non membres de la zone euro à faire face à des difficultés en matière de balance des paiements. Ce mécanisme a été utilisé au plus fort de la crise par la Commission pour soutenir la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie (face à l’impact de la crise dans certains pays, la Commission européenne avait décidé en avril 209 de porter le plafond de ce mécanisme de soutien à la balance de paiement de 25 à 50 milliards d’euros), dans le cadre d’une aide conjointe avec le FMI et la la Banque mondiale.

Pour contourner la règle de non renflouement au sein de l’eurozone, l’article 122.2 du Traité a été mobilisé. Celui-ci stipule que : "Lorsqu’un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l’Union à l’État membre concerné".

Reproduisant le mécanisme d’aide à la balance des paiements pour les Etats hors zone euro, un fonds de 60 milliards a été créé (appelé Mécanisme européen de stabilisation financière - European Financial Stability Mechanism, EFSM). Il permet à la Commission européenne qui emprunte sur les marchés financiers internationaux avec la garantie des 27, d’octroyer des prêts aux Etats membres de la zone euro en difficulté. Ce dispositif relance le débat sur la création d’un fonds monétaire européen, appelé de ses vœux par le Ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble.

Garanties d’Etat et de prêts à hauteur de 440 milliards d’euros

La partie la plus conséquente du mécanisme de stabilisation fonctionne toutefois sur des bases intergouvernementales. Bien que la France ait poussé pour qu’une plus grande partie des prêts soient gérés par la Commission européenne, il s’agissait là d’une condition essentielle exigée par la Chancelière Angela Merkel afin d’empêcher toute institutionnalisation d’un système d’aide financière à un Etat en difficulté. Depuis le début de la crise grecque, la crainte que la zone euro ne se transforme en "union de transfert financier" a en effet guidé l’attitude de l’Allemagne, premier contributeur net au budget européen et apôtre de la discipline budgétaire.

Pour alimenter ce fonds de 440 milliards d’euros (appelé : Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou European financial stability facility (EFSF)), les Etats membres de la zone euro s’engagent individuellement, en fonction de leur quote-part au capital de la BCE, à accorder des prêts bilatéraux ou à apporter leur garantie aux Etats en difficultés. Une société ad hoc de droit privé luxembourgeois, dite véhicule spécialisé (SVP – Special Purpose Vehicule), a été créé à cet effet pour une période de trois ans. Outre les Etats membres de la zone euro, la Suède et la Pologne se sont engagés à participer à ce fonds. Le Royaume-Uni s’y est en revanche fermement opposé.

Le FMI participe à ce fonds et a apporté son soutien financier à hauteur de la moitié de l’effort européen, soit environ 220 milliards.

La BCE rompt un dogme pour faire barrage aux spéculateurs

Le dernier acteur de ce plan inédit est la Banque centrale européenne qui au diapason des chefs d’Etat et des ministres de la zone euro a annoncé une mesure exceptionnelle. S’écartant d’une politique monétaire parfois jugée dogmatique ou pour le moins rigide, la BCE a décidé de racheter de la dette publique des Etats membres de la zone euro. Le cas de la Grèce, dont les taux d’emprunts ont pu grimper jusqu’à 12% a en effet démontré le caractère insoutenable de certaines situations, faisant le jeu des spéculateurs. Si le Traité prévoit la possibilité pour la BCE de racheter des obligations publiques sur le marché secondaire (article 123-2 TFUE), l’institution de Francfort s’était jusqu’à présent refusée à recourir à une telle mesure. Cette politique visait avant tout à éviter que des Etats ne profitent de leur appartenance à la zone euro et de l’effet "bouclier" de la monnaie commune pour faire preuve de laxisme budgétaire. Une doctrine monétaire défendue becs et ongles par l’Allemagne.

Si pour certains cette intervention de la BCE constitue une véritable volte-face, Jean-Claude Trichet a tenu à rappeler que la BCE n’avait en rien céder à la pression politique et qu’elle restait "totalement indépendante". Le Président a souligné que cette mesure visait avant tout, à résorber des "dysfonctionnements". La BCE a par ailleurs mis en place des mesures parallèles visant à éviter tout effet inflationniste du rachat de dette, confirmant ainsi que sa priorité n’avait pas changé.

La volonté politique des Européens à l’épreuve

Le lundi 10 mai, les bourses européennes et mondiales connaissaient leur plus forte hausse depuis plus d’un an et l’euro repassait au-dessus de 1,30 dollar. La volonté politique l’emportait sur la spéculation et l’UE redonnait des gages de confiance aux marchés. Après avoir évité l’éclatement de la zone euro, les dirigeants européens doivent à présent engager les réformes nécessaires pour en assurer sa pérennité. Or, le chemin vers la gouvernance économique européenne est encore long et synonyme de concessions difficiles.

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