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Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d’Allemagne, Jean-Claude Trichet, Président de la Banque centrale européenne (BCE) et Nicolas Sarkozy, Président de la République française, lors du sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro, le 11 mars 2011 © Conseil de l’Union européenne

 

A l’issue d’un sommet extraordinaire réuni le 11 mars, les 17 chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de la zone euro, ont adopté un "Pacte pour l’euro", instaurant "une coordination renforcée des politiques économiques pour la compétitivité et la convergence".

Après la polémique qui a suivi la proposition franco-allemande de "Pacte de compétitivité", les 17 chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de la zone euro, réunis en sommet exceptionnel le 11 mars 2011, sont parvenus à aplanir leurs divergences et ont adopté un "Pacte pour l’euro", instaurant "une coordination renforcée des politiques économiques pour la compétitivité et la convergence" .

Mais à quel prix ! Car la proposition franco-allemande sans doute critiquable du fait qu’elle avait été lancée sans concertation préalable et court-circuitait les institutions européennes, avait de la consistance et de la cohérence.

Faite en marge du Conseil européen du 4 février 2011, l’initiative de Paris et de Berlin (dont version non officielle a circulé dans la presse), avait en effet une réelle portée : inscription obligatoire dans les Constitutions nationales d’un mécanisme de frein à la dette publique, abandon de l’indexation des salaires sur l’inflation, harmonisation de l’assiette d’imposition des sociétés, réforme des systèmes de retraite en fonction des prévisions démographiques avec à la clé le recul de l’âge de départ.

Les autres Etats membres ont vivement réagi, n’ayant pas été associés à l’élaboration du "Pacte de compétitivité". Mais il se sont bien gardés de formuler une autre proposition… Plus justifiées étaient leurs critiques du caractère uniquement intergouvernemental de la mise à exécution du Pacte jusqu’à susciter le rappel du Président de la Commission, José Manuel Barroso, exhortant les Etats à "respecter la méthode communautaire et les traités".

C’est face à ce tollé que le Président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a décidé de convoquer un sommet extraordinaire de la zone euro, en amont du Conseil européen de printemps (24 et 25 mars), afin de trouver les bases d’un compromis.

Une version très édulcorée du Pacte de compétitivité franco-allemand

Elaboré par Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso, le texte de compromis se trouve sensiblement édulcoré par rapport à la proposition franco-allemande. Quatre objectifs : favoriser la compétitivité, l’emploi, contribuer à la viabilité des finances publiques et renforcer la stabilité financière, assortis de propositions vagues dans le langage habituel des institutions européennes.

Pour ce qui est du volet compétitivité, le document indique que les salaires devront évoluer en accord avec la productivité. Le "coût unitaire de main d’œuvre" entre pays de la zone euro fera pour cela l’objet d’un suivi. Il n’est plus question d’abolition de l’indexation mais du "réexamen des dispositifs de fixation des salaires (…) ainsi que les mécanismes d’indexation" (page 7).

La question de la réforme des systèmes de retraite est de même évoquée au conditionnel dans le chapitre consacré aux finances publiques : "les réformes (…) pourraient notamment consister à adapter le système de retraite à la situation démographique nationale, par exemple en adaptant l’âge réel de la retraite à l’espérance de vie ou en accroissant le taux d’activité ou en accroissant le taux d’activité" (page 9).

Autre question sensible, les Etats membres ne seront pas tenus d’inscrire dans leur Constitution le principe du plafonnement à la dette, comme l’a fait l’Allemagne et comme envisage de le faire la France, mais "les États membres conserveront le choix de l’instrument juridique à utiliser au niveau national", pour traduire les règles budgétaires européennes, tout en "veillant à ce qu’il soit par nature suffisamment contraignant et durable (par exemple, la Constitution ou une législation cadre). La formulation exacte de la règle sera également arrêtée par chaque pays (il pourrait par exemple s’agir d’un "frein à l’endettement", d’une règle liée au solde primaire ou d’une règle portant sur les dépenses") (page 10).

Sur le sujet de la fiscalité, le couple franco-allemand, soutenu par la Commission, est en revanche parvenu à faire inscrire le projet d’assiette commune d’imposition sur les sociétés (ACCIS) dans le Pacte. Il est envisagé comme "un moyen de garantir, sans incidence sur les recettes, la cohérence entre les régimes fiscaux nationaux, tout en respectant les stratégie fiscales nationales". Les précautions et les garanties apportées aux Etats les plus attachés à leur souveraineté fiscale sont certes importantes, mais ce projet bloqué depuis des années semble enfin figurer parmi les priorités des Etats membres.

Le Pacte pour l’ euro : une condition mise par l’Allemagne au renforcement du fond de stabilité financière

Après la difficile gestion de la crise grecque, l’Allemagne s’est à nouveau retrouvée au centre du jeu européen lors de ce sommet. De même qu’il n’était pas question pour la Chancelière d’aider la Grèce sans obtenir au préalable des conditions très strictes (la solidarité contre la discipline, cf article : Un mécanisme de stabilisation de 750 milliards pour sauver la zone euro, 10 mai 2010.), il n’était pas question d’augmenter les capacités d’aide de la zone euro aux pays en difficultés, sans s’assurer de la mise en place de mesures de prévention des crises de l’endettement public. Autrement dit, pas d’augmentation des capacités de financement du Fonds européen de stabilité financière (FESF) sans accord sur le Pacte pour l’euro.

Cette position d’Angela Merkel a été en grande partie dictée par la pression intérieure. En amont du sommet, les milieux économiques et industriels allemands, tout comme son propre parti, la CDU, et son partenaire de coalition, le FDP, s’étaient fermement opposés à toute augmentation du Fonds, refusant un nouveau pas vers un transfert des pays vertueux, vers les plus laxistes.

Pressée depuis plusieurs mois par ses partenaires européens d’entériner une augmentation du Fonds de stabilité afin d’écarter tout risque d’éclatement de la zone euro, et dans l’obligation de revenir à Berlin avec entre les mains un programme de réformes structurelles et de rigueur applicable aux 17, la Chancelière a du faire d’importantes concessions sur les deux fronts.

Les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro ont donc entériné une augmentation des capacités effectives de prêt du Fonds européen de stabilité financière, qui seront portées à 440 milliards d’euros au lieu de 250 milliards actuellement (Officiellement la capacité du FESF a été fixée à 440 milliards d’euros, mais celui ne peut effectivement prêter que 25O milliards afin de conserver sa note triple A). Le Mécanisme européen de stabilité (MES, mécanisme permanent qui entrera en fonction à partir de 2013 - cf Conclusions du Conseil européen des 16 et 17 décembre 2010, pp.8-10) sera quant à lui doté de 500 milliards d’euros. Initialement opposée à cette option, la Chancelière a par ailleurs accepté d’élargir les modalités d’intervention de ces deux fonds qui pourront soit prêter directement aux Etats (comme cela a été le cas pour l’Irlande), soit "à titre exceptionnel, intervenir sur le marché primaire de la dette, dans le contexte d’un programme subordonné à une stricte conditionnalité" (c’est-à-dire acheter des emprunts d’Etats). Angela Merkel a en revanche bloqué la possibilité d’intervention sur le marché secondaire, pourtant soutenue par Jean-Claude Trichet, le Président de la BCE qui pratique ce rachat de titres depuis près d’un an.

Un gouvernement économique bien faible pour la zone euro

Ce sommet, décevant sous l’angle du volontarisme des Etats pour coordonner leurs politiques économiques, marque en revanche un progrès vers une intégration renforcée de la zone euro. Conscients des responsabilités spécifiques qui leur incombent compte tenu du partage de la même monnaie, les Chef d’Etat et de gouvernement de la zone euro semblent en effet résolus à essayer d’avancer ensemble. Bien que restant ouvert à l’ensemble des Etats membres qui souhaiteront y adhérer, le Pacte est avant tout conçu pour la zone euro. En préambule du Pacte, les 17 tirent en effet pleinement les leçons de la crise : d’une part l’union monétaire doit s’accompagner d’un renforcement du "pilier économique", d’autre part tout déséquilibre de compétitivité est "préjudiciable" à la zone euro dans son ensemble.

Comme il l’indique, le Pacte se veut un engagement plus fort que l’ensemble des mesures adoptées ou en cours d’adoption au niveau des 27 en matière de gouvernance économique : la Stratégie Europe 2020 (adoptée formellement en juin 2010 et en cours de mise en œuvre (les Etats membres devront en effet soumettre leurs programmes nationaux de réformes ainsi que leur programme de stabilité en avril 2011), le semestre européen (adopté en septembre 2010 et en vigueur depuis janvier 2011), les suites de la Task Force présidée par Herman Van Rompuy (Cf Rapport du 21 octobre 2010 et Conclusions du Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010), avec en ligne de mire la réforme du Pacte de stabilité et l’adoption d’un nouveau cadre de surveillance macroéconomique.

Toutefois, par rapport à la version franco-allemande du pacte, qui exigeait la mise en œuvre de six réformes spécifiques dans un délai de douze mois, il n’y a plus de calendrier, ni mécanisme de sanction !

Le Pacte pour l’euro risque dès lors de constituer le énième document de principe adopté dans le domaine de la gouvernance économique…. Espérons qu’il ne connaîtra pas l’échec cuisant de feu la Stratégie de Lisbonne.

Plus encore, comparativement à la Stratégie Europe 2020, dont le volet de mise en œuvre a été renforcé (système de recommandations politiques et avertissements) et qui associe l’ensemble des institutions communautaires, le Pacte pour l’euro ne présente aucun gage d’efficacité.

Or, selon les initiateurs du Pacte, c’est justement le fait de placer les Etats aux commandes – et non la Commission, contournant ainsi des mécanismes institutionnels communautaires jugés trop lourds et lents – qui assurera une véritable coordination des politiques économiques.

La bonne nouvelle du renforcement probable du poids politique de l’Eurozone

Il y a néanmoins une bonne nouvelle. L’Eurogroupe, qui n’est pas au regard du traité une institution européenne, pourrait prendre enfin son envol. L’eurozone prend corps politique. Le Pacte confère en effet à ses Chefs d’Etat et de gouvernement la responsabilités de définir des objectifs communs, des engagements nationaux et d’assurer le suivi politique annuel. Il est évident que les dirigeants nationaux ont exprimé par là leur méfiance de la Commission. Des sommets de la zone euro au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement - le dernier a eu lieu sous présidence française en octobre 2008 alors que le système bancaire européen était au bord de l’effondrement (cf article du 16 octobre 2008 : La réponse européenne à la crise financière internationale) - seront convoqués désormais une fois par an, ce qui est une bonne chose. L’Eurogroupe se réunissant au niveau des ministres des Finances en sortira renforcé en ayant la tâche de préparer ces sommets.

Pour Herman Van Rompuy, avec le Pacte pour l’euro, "ce qui a changé, c’est l’engagement politique". Une manière de rappeler que l’Europe, même économique, n’a en réalité qu’un but et qui est politique.

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