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Entretien du 16/09/08
Philippe de Fontaine Vive
Vice-Président de la BEI

Dans un contexte de limitation du crédit liée à la crise financière, la BEI va accroître de 50% ses financements aux PME

 Avec la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque européenne d’investissement (BEI) est l’une des trois principales institutions financières de l’Europe. Quel est son rôle et comme le situez vous par rapport à ces deux autres institutions ?

Les rôles sont clairement définis, même s’ils ne sont pas toujours bien connus du grand public. La Banque européenne d’investissement (BEI) est l’institution financière européenne, créée par le Traité de Rome, qui accompagne le développement de l’Union depuis 1958. Son rôle central, via des financements à long terme (près de 50 milliards d’Euros par an), est le développement économique au sein de l’Union, et notamment dans ses élargissements successifs, mais aussi de pays partenaires comme en Méditerranée.

Les deux autres institutions plus récentes (1990 et 1992) ont des missions très ciblées. La Banque pour la reconstruction et le développement (BERD), créée après la chute du mur de Berlin, est là pour aider à la transition des seuls pays de l’Est, d’une économie socialiste à une économie de marché. La Banque centrale européenne est, comme son nom l’indique, la banque centrale des pays qui ont choisi l’Euro.

Dans le contexte de la crise financière internationale et des menaces de récession en Europe, Christine Lagarde a annoncé à l’issue du Conseil ECOFIN, qui se tenait les 13 et 14 sous Présidence française, une intervention importante de la BEI. Pourriez-vous nous dire de quoi il s’agit concrètement ?

C’est effectivement une annonce essentielle de la Présidence française. Christine Lagarde a demandé une intervention de la BEI en soutien des PME à hauteur de 30 milliards d’Euros d’ici 2011. Comme vous le savez, nous traversons actuellement une crise financière profonde (la faillite de Lehman Brothers cette fin de semaine est là pour en témoigner) qui se traduit par une crise de liquidité des banques et un resserrement du crédit dont les PME sont les premières victimes. Or le petites et moyennes entreprises sont à la base de la croissance économique en Europe. C’est pourquoi, en réponse à la demande de l’Union européenne, la BEI va mettre en place des financements, via le système bancaire européen, destinés aux PME en veillant à ce qu’elle bénéficient de conditions de prêts favorables. Cela constitue un effort important car la BEI, qui mettait déjà en œuvre environ 5 milliards d’Euros par an en faveur des PME va accroître de 50% son volume d’intervention dès cette année."

Depuis quelques années, l’Europe fait du développement des PME l’une ses priorités majeures. Comment cette priorité était elle concrétisée par la BEI avant même cette annonce de la Ministre française de l’Economie et des finances ?

Cette priorité a en effet été reconnue comme telle par les ministres des Finances en juin 2005. Pour la mettre en œuvre, j’ai mené une vaste consultation dans les 27 Etat européens et préparé une amélioration du dispositif de la BEI au moment où se lance le « Small business act » européen. L’idée principale est de mettre à disposition des PME via le système bancaire européen des financements rapides, peu chers, et de les faire ainsi bénéficier concrètement de l’Europe.

La Présidence française, soutenue par de nombreux grands partenaires, notamment le Royaume Uni, a ensuite demandé un développement de cette priorité dans un contexte de limitation du crédit liée à la crise financière. La BEI accroîtra donc de 50 % ses financements destinés aux PME et poursuivra cet accroissement au cours des trois prochaines années.

Voici 5 ans que vous occupez de hautes responsabilités au sein de la BEI. Quels sont les principaux projets que vous avez conduits et ceux dont vous êtes le plus fier ?

La BEI est dirigée par un directoire et donc le travail y est avant tout collégial, ce qui est très intéressant à la fois pour un français et pour faire prévaloir l’intérêt européen. Je tiens à insister sur ce point car c’est la base de la construction européenne. Personnellement, j’ai particulièrement veillé à rapprocher la Banque des citoyens européens et de répondre aux priorités politiques que le marché ne pouvait seul satisfaire. En France j’ai donc mis en place des programmes d’investissements publics sur des priorités comme la rénovation des hôpitaux, le développement des transports en commun dans les villes et des financements écologiques. A travers toute l’Europe , j’ai réussi à faire aboutir la création d’une facilité dédiée à la recherche, et actuellement à renforcer le financement des PME. Enfin, hors d’Europe, j’ai eu à cœur de faire vivre la solidarité entre Européens et Méditerranéens.

Bien que la BEI contribue largement à la réalisation des objectifs de l’Union européenne, l’institution reste largement méconnue. Comment l’expliquez-vous ?

Cela s’explique par des raisons historiques : la BEI était au service de l’Union et n’éprouvait pas le besoin de communiquer sur les grands projets qu’elle finançait comme les autoroutes, les trains à grande vitesse, Airbus,… Aujourd’hui cela n’est plus possible et la BEI a commencé à communiquer. Il s’agit à la fois d’une nécessité de transparence, car les institutions européennes doivent être exemplaires, mais également du besoin d’une plus grande proximité des citoyens européens.

Les élargissement successifs de l’Union européenne, notamment celui de 2004 avec l’entrée des dix pays d’Europe centrale et orientale, puis celui de 2007 avec l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie, ont-ils entraîné des changements dans le mode de fonctionnement et dans l’action de la BEI ?

La BEI a accueilli sans difficulté les nouveaux Etats membres comme elle en a l’expérience depuis 1958. Ce sont des pays moins développés et plus petits et qui nécessitent donc des investissements importants pour se mettre à niveau, et souvent de petite échelle mais en grand nombre. Cela demande des moyens importants et la Banque européenne d’investissement a dû étoffer son dispositif, notamment avec des programmes d’appui technique adapté avec la Commission européenne (JASPERS).

Plus généralement, quel est votre sentiment sur cette "nouvelle Europe" et sur les politiques communautaires qui visent à développer ces pays ayant adhéré à l’Union européenne en 2004 et 2007 ?

Ce que vous appelez cette « nouvelle Europe » nous apporte beaucoup de fraîcheur. Tout d’abord, l’Europe a été pour eux un espoir immense et ils l’abordent sans complexe. Ils sont d’autant plus en quête de réformes et d’efficacité européennes qu’ils voient ces réformes et leur efficacité dans leurs pays.

La BEI intervient très largement au-delà des frontières de l’Union européenne. Dans quelles conditions ? Est-ce vraiment sa vocation ?

L’Europe a vocation a s’élargir pour diffuser paix et prospérité et la BEI a toujours préparé, avec la Commission européenne, ces élargissements. Mais l’Europe a aussi une vocation humaniste et de solidarité. Des mandats très précis ont été donnés par les chefs d’Etat à la BEI pour intervenir dans la totalité des pays en développement avec des objectifs adaptés à chaque région.

Le conflit entre la Géorgie et la Russie souligne l’importance de la politique européenne de voisinage, notamment dans la région de la mer Noire. Intervenez vous dans ces régions ? Si oui, comment ?

La réponse est oui. Notre intervention dans ces pays est récente par rapport aux pays méditerranéens et concernent plutôt les secteurs des transports et de l’énergie. Nous finançons des projets d’infrastructures nécessaires au développement de ces pays et l’Union européenne nous demande d’accroître ces interventions.

L’Union pour la Méditerranée lancée le 14 juillet 2008 à Paris sous l’impulsion du Président français figure dans votre champ de compétence au sein du Comité de direction de la BEI ("Facilité Euro-méditerranéenne d’Investissement et de Partenariat (FEMIP)"). En quoi consiste votre mission à cet égard ? Et quel est l’action de la BEI dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée ?

A la demande des Chefs d’Etat européens, la BEI, avant tous les autres, a apporté son soutien en Méditerranée dans l’esprit d’un véritable partenariat avec ses voisins méditerranéens.

De 2002 à aujourd’hui, j’ai fortement associé tous les pays arabes et Israël à nos priorités économiques et financières. L’Union pour la Méditerranée va encore plus loin dans ce sens en demandant le partage des décisions notamment pour soutenir le développement des PME.

Le groupe de la BEI est prêt à avancer dans ce sens jusqu’où l’Union européenne le souhaitera, en concertation avec les pays méditerranéens.

Vous avez participé le 13 juillet dernier au lancement de l’Union pour la Méditerranée, succès diplomatique incontestable pour le Président Sarkozy. Quels en sont les suites à ce jour ?

Pour soutenir l’élan donné par le Sommet de Paris, la BEI peut devenir le coordinateur économique de quatre chantiers prioritaires :
- L’initiative de développement des entreprises avec le soutien aux PME car nous sommes déjà le premier acteur sur ce sujet en Europe et en Méditerranée ;
- La dépollution de la Méditerranée car avec la Commission nous sommes déjà le coordinateur du plan d’investissement ;
- Le plan solaire méditerranéen car là encore la BEI est le premier acteur en Europe et en Méditerranée ; une action concertée avec la Commission serait donc possible ;
- Les autoroutes de la mer et terrestres touchent le secteur traditionnel d’intervention de la BEI et donc là encore son expertise permettra de prévoir un plan d’investissements.

La question du financement de l’Union pour la Méditerranée, qui n’a d’ailleurs pas été abordée lors du Sommet de Paris, apparait comme l’aspect le plus sensible. Cette question a-t-elle été réglée ? Comment ?

La question du financement est toujours difficile dans une conjoncture très tendue pour les finances publiques. Un avantage de la BEI est qu’elle apporte une économie d’échelle et un effet multiplicateur. Je m’explique. La BEI travaille pour l’essentiel et pour des montants très importants pour l’Europe. Le surcroît d’activité à l’extérieur de l’Union coûte à la Banque mais moins que si on avait créé une institution ad hoc. Effet multiplicateur car plutôt que de faire des dons dont l’usage est difficile à contrôler, le recours à des prêts permet de responsabiliser les bénéficiaires et d’économiser des dépenses.

Les questions énergétiques et climatiques sont au cœur des préoccupations des Européens et la présidence française a la lourde tache de faire avancer les négociations sur ce dossier. La BEI intervient elle dans ce domaine ?

Ce que les spécialistes appellent le "paquet climat énergie" est devenu une priorité pour la BEI. Non seulement nous privilégions les économies d’énergie et les énergies renouvelables mais nous avons pris des engagements chiffrés. Nous développons aussi des fonds carbone et soutenons la recherche de projets innovants. Ceci est vrai à travers l’Europe mais aussi dans les pays en développement où nous intervenons.

Votre rêve européen ?

Au jour où le monde entier a le regard tourné vers les plus grandes élections démocratiques avec l’élection du Président des Etats-Unis d’Amérique, je rêver d’avoir un Président de l’Union Européenne, élu directement ou indirectement par les citoyens européens, et qui soit en mesure de représenter l’Europe et les Européens et de parler d’égal à égal avec le président américain.


 

Informations sur Philippe de Fontaine Vive
Philippe de Fontaine Vive, Vice Président de la Banque européenne d’investissement (BEI) depuis 2004. Haut fonctionnaire, il a effectué sa carrière à la Direction du Trésor où son dernier poste était celui de Chef du service du Financement de l’État et de l’économie. En 1994, il a été conseiller pour les Affaires internationales du Ministre de l’Économie et des Finances. Philippe de Fontaine Vive a été Vice-président du Club de Paris de 1996 à 2000 et membre du Conseil de surveillance de l’Agence Française de Développement (AFD), de 1996 à 2000.
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