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Entretien du 4/07/08
Christian Lequesne
Directeur de recherche au CERI

L’abandon du traité de Lisbonne serait beaucoup plus dommageable du point de vue politique qu’institutionnel

 Le Cercle des Européens : Le "non" irlandais au Traité de Lisbonne doit il être interprété comme l’expression d’un ensemble de craintes liées à la situation intérieure du pays, à la mondialisation, à la crise financière mondiale ou bien comme une véritable défiance vis-à-vis de la construction européenne ?

Christian Lequesne : Je pencherais plutôt pour la première hypothèse. Je pense, contrairement à la plupart des analystes, qu’il n’y a pas de défiance générale et uniforme chez tous les peuples européens vis-à-vis de la construction européenne. Les craintes sont différentes d’un Etat à un autre et liées de chaque pays. D’où l’importance lorsque l’on analyse les résultats des référendums de prendre en compte l’histoire et le positionnement du pays vis-à-vis de la construction européenne et de la mondialisation.

Si l’on revient sur le "non" français au Traité constitutionnel en mai 2005, tous les sondages montrent que la crainte d’une Europe libérale était au cœur des motivations des électeurs ayant voté non. Quant aux Pays-Bas qui votaient lendemain sur le même texte, c’est davantage le problème du statut des petits pays et de l’élargissement qui a dominé les débats. S’agissant aujourd’hui de l’analyse du "non" irlandais, c’est une foule de choses très différentes et pas nécessairement liées au traité qui ont pesé dans le vote : crainte d’une législation sur l’avortement, du néo libéralisme, de la perte de la neutralité de l’Irlande, d’une harmonisation européenne en matière de fiscalité. Nous constatons donc que d’un pays à l’autre les explications au "non" à l’Europe sont très différentes. Il est donc très difficile pour les dirigeants européens de formuler une réponse commune. Il n’y a pas une réponse à apporter mais bien des réponses spécifiques en fonction de chaque État. Il me semble que les Français ont d’ailleurs tendance à penser que tous les citoyens européens sont déstabilisés par la mondialisation, or ce n’est pas nécessairement vrai. L’euroscepticisme des tchèques a par exemple peu à voir avec la question de la mondialisation. Il faut donc faire attention de ne pas projeter un débat national sur l’ensemble de l’Europe et essayer de comprendre les réticences qui s’expriment dans chaque pays.

Le non irlandais n’illustre t-il pas une tendance grandissante au sein des Etats membres au repli national et à la défense des intérêts nationaux au dépend de l’intérêt européen ?

Je pense effectivement qu’il y un retour du national partout en Europe. Celui-ci est différent du nationalisme expansionniste de jadis, et s’assimile plutôt à un nationalisme de conservation, fondé sur la protection identitaire. Ceci est certainement lié au fait que l’Europe qui a été au cours des derniers siècles la nation dont les valeurs étaient les plus dominantes, se rend compte aujourd’hui qu’elle n’a plus ce même rayonnement économique et intellectuelle face non seulement aux Etats Unis mais également à la montée d’autres pôles, et notamment l’Asie. Tout cela alimente l’idée qu’il faut préserver les traditions des Etats nations.

Lors du Conseil européen des 18 et 19 juin 2008, les chefs d’Etats et de gouvernements se sont timidement engagés à poursuivre le processus de ratification tout en affirmant respecter le vote des citoyens irlandais. Quelle est la véritable stratégie ?

Cette formule diplomatique est contradictoire mais que pouvait dire d’autre le Conseil européen ? La grande difficulté est que les Irlandais eux même ne savent pas comment il vont pouvoir sortir de cette situation. D’un côté, les raisons très disparates qui ont alimenté le "non" irlandais, ont contraint les dirigeants irlandais à demander un délais de réflexion pour analyser leur propre situation nationale et pouvoir rédiger une déclaration susceptible de répondre à l’ensemble des craintes qui se sont exprimées. D’un autre côté, le niveau relativement élevé du taux de participation (53,1%) au référendum du 12 juin, rend plus difficile de procéder à une second consultation. Lorsque l’Irlande avait rejeté le traité de Nice en 2001, il avait été possible de recourir à un second référendum du fait du taux de participation particulièrement faible (35%). Il faut de plus prendre en compte que suite au double "non" français et néerlandais de 2005, il n’avait pas été demandé à ces pays de procéder à un second vote.

Parallèlement à cette situation irlandaise, on sent bien la pression de la plupart des Etats membres, dont la France, qui refusent d’abandonner le traité. Les scenarios sont donc multiples. Soit l’on reste avec le traité de Nice, ce que je n’exclu pas. Soit l’on trouve une sortie de crise pour faire adopter le traité de Lisbonne par les 27, ce qui signifie nécessairement de repasser par un référendum en Irlande. Il reste enfin la solution de la déclaration politique qui serait ensuite validée par le Conseil européen. Je pense en revanche que ni les Irlandais ni les autres Etats membres souhaitent rouvrir les négociations sur le traité.

L’idée d’une "Europe à géométrie variable", d’une "Europe à deux vitesses" pourrait elle constituer une solution de sortie de crise et une solution pour préserver la dynamique de l’intégration européenne ?

Cette idée existe dans le débat depuis plus d’une vingtaine d’années. Elle avait été toutefois abandonnée dans le cadre du traité constitutionnel puis du traité de Lisbonne puisque l’on pensait alors pouvoir sauver un compromis avec tous les États membres. Dans le cas où le traité de Lisbonne serait abandonné, je pense que "l’Europe à géométrie variable" ou à "l’Europe à deux vitesses" sera nécessairement relancée car cela voudrait alors dire que dix années de négociations sur les réformes institutionnelles et deux traités n’ont pas permis d’aboutir. Cela doit il se faire à l’intérieur ou à l’extérieur des traités ? La réponse reste ouverte. Il ne faut pas oublier que dans la perspective de l’adoption de la monnaie unique, le système monétaire européen avait été réalisé à l’extérieur des traités. De même pour ce qui est du développement du volet libre circulation des personnes, les accords de Schengen se sont fait en dehors des traités. Le traité de Lisbonne qui simplifie les procédures de coopérations renforcées permet plus facilement d’organiser cette géométrie variable à l’intérieur des traités. S’il est abandonné, cela ne sera plus possible.

La difficulté est que plus on est nombreux plus la recherche de compromis tous ensemble est difficile. D’un autre côté, les pays et notamment les plus petits ont beaucoup de réticences à l’idée de figurer au sein d’une deuxième classe européenne et de ne pas faire partie du noyau dur.

Les critiques du Président de la République à l’encontre du Commissaire au Commerce Peter Mandelson, lors du Conseil européen des 18 et 19 juin, ont suscité certaines tensions entre la France et la Commission. Ne pensez vous pas que la contestation de l’action de "Bruxelles" par les gouvernements nationaux accentue plus qu’elle ne réduit le déficit démocratique de l’Union, sensé être à l’origine des échecs des référendum sur l’Europe ?

Oui, certainement. Critiquer la Commission n’est pas seulement notre sport national ni l’apanage du Président Sarkozy. De nombreux chefs d’Etat et de gouvernement ou ministres européens se livrent à cet exercice. Dans le cas que vous citez, il me semble que ce n’était pas vraiment le moment de de formuler ces critiques, juste avant le début de la présidence française. Une présidence exige un minimum de réserve à l’égard de la Commission avec qui l’on va être obligé de travailler pour réussir ces 6 mois. C’est par ailleurs intéressant de noter que depuis le général de Gaulle, c’est toujours sur les questions agricoles et de commerce extérieure que les Français critiquent la Commission. Peter Mandelson est un des penseurs du nouveau Labour britannique, il est un homme qui croit au libre échange, ce qui a toujours été considéré du côté français comme quelque chose d’un peu naïf. Nicolas Sarkozy ne déroge pas à cette tradition. Il n’est pas un libéral au sens des anglo-saxon et pense qu’il faut préserver des intérêts nationaux en se protégeant dans le commerce.

Ce qui est regrettable c’est que ces critiques ouvertes renforcent le stéréotype d’une France colbertiste qui ne s’intéresse pas du tout à la question de la liberté des marchés, alors que les grandes entreprises françaises jouent complètement le jeu du libre échange. Mais cela permet en quelque sorte de donner satisfaction à l’électorat français, en lui disant que ses intérêts sont protégés. Cela rejoint d’ailleurs le slogan de la présidence française : l’Europe protectrice. Slogan qui ne me semble au demeurant pas très bon. J’ai bien conscience qu’il vise à développer l’idée d’une Europe jouant un rôle de régulation dans la mondialisation. Mais, mettre en avant l’Europe qui protège, c’est également mettre en avant des craintes. Or si dans la mondialisation il y a des effets négatifs, il y a également des opportunités. Je préférerais donc un discours plus positif qui consisterait à dire que dans un monde qui est en train de changer il faut saisir les opportunités plutôt que de se protéger.

Pour revenir à des questions institutionnelles, pensez vous que le Traité de Lisbonne soit indispensable à l’Union européenne pour fonctionner efficacement à 27 ?

Cette question n’est pas simple et il y a tout un débat la dessus. D’un point de vue strictement fonctionnel, il semblerait que le traité de Nice permette à l’Union de fonctionner relativement bien, c’est à dire de faire ce que les anglais appellent "business as usual". En effet, des études réalisées par des chercheurs britanniques, français et néerlandais montrent que l’on ne décide pas moins vite à 27 que l’on ne le faisait à 15. On a même gagné un peu de temps dans la vitesse décisionnel, c’est-à-dire entre le moment où la proposition de la Commission est déposée et son adoption finale par le Conseil et le Parlement, ce qui est assez étonnant.

Si le traité de Lisbonne n’aboutissait pas, après le premier échec du traité constitutionnel et 10 ans de négociations institutionnelles, ce serait avant tout dommageable du point de vue politique car cela signifierait que les Etats n’arrivent plus à se mettre d’accord. Le signal envoyé aux peuples serait alors très mauvais.

Du point de vue strictement fonctionnel, il faut dire que des choses peuvent être mises en place sans l’adoption du traité. Le service d’action extérieur européen, soit une sorte de ministère des affaires étrangères qui entourerait le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune pourrait tout à fait être mis en place sans le traité de Lisbonne. On est même en train de se demander si on ne pourrait pas mettre en place une présidence permanente du Conseil européen sans avoir à réformer les traités.

La principale vertu du Traité de Lisbonne ne réside-t-elle pas dès lors dans l’enclenchement d’une dynamique de politisation des institutions de l’Union ?

Plutôt qu’une politisation, je dirais que le traité de Lisbonne introduit une sorte de système majoritaire, semblable à celui de la plupart des gouvernements européens. Avec un gouvernement européen - la Commission - identifié à une tendance politique - celle qui se serait dégagée lors des élections au Parlement européen. La procédure de désignation du Président de la Commission, telle que prévue par le Traité de Lisbonne (le président de la Commission sera proposé par le Conseil européen "en tenant compte des élections au Parlement européen" puis élu par le Parlement) permettrait en effet une sorte d’adéquation entre la couleur politique de la Commission et celle du Parlement.

Il s’agit là d’un point important car il constitue un élément d’identification pour les citoyens européens. Dans la plupart des Etats les citoyens ne suivent pas de près ni en détails les lois adoptées, toutefois ils s’identifient pour ou contre ces lois selon qu’ils sont favorables ou non au gouvernement, proche de la majorité ou proche de l’opposition. Il s’agit d’un point de repère tout à fait important car il crée de la légitimité. Or cela n’existe pas au niveau européen et il est très difficile de dire si l’Europe est gouvernée par une équipe de gauche ou de droite ou bien si une loi a été adoptée par l’un ou l’autre parti. L’absence de ces points de repère contribue à la faible perception démocratique du système européen.

L’attitude de la République tchèque quant à la poursuite du processus de ratification semble la plus problématique suite aux déclarations du Président Vaclav Klaus affirmant que le Traité de Lisbonne était "mort". Comment envisagez vous la ratification tchèque ? L’euroscepticisme du Président Vaclav Klaus reflète t-il une tendance majoritaire au sein de l’opinion publique tchèque ?

Il y a un grand paradoxe en République tchèque. Le parti du président Vaclav Klaus, le Parti démocratique civique (ODS), est composé de gens qui se déclarent plutôt favorables à la construction européenne, mais qui en même temps sont prêts à soutenir un leadership eurosceptique. Il y a en fait deux niveau de division sur les questions européennes : un décalage entre ce que pensent la plupart des militants voir des élus de base de ce parti et l’état major et une autre division au plus haut lieu du parti, comme c’est d’ailleurs le cas dans de nombreux partis en Europe. L’attitude Premier ministre, M. Topolanek, illustre cette seconde division puisque contrairement au Président, il est favorable à une ratification du Traité de Lisbonne, notamment pour ne pas compromettre la présidence tchèque au premier semestre 2009. Pour l’instant le traité de Lisbonne est examiné par la Cour constitutionnelle tchèque qui devra rendre un avis au mois d’octobre.

Le président Klaus a quant à lui une sorte d’approche idéologique sur l’Europe qui répond à des considérations politiques intérieures. Les positions tranchées qu’il adopte vis-à-vis de l’Union européenne, qu’il compare au système soviétique, lui permettent en effet d’exister politiquement sur la scène nationale, ce qui constitue sa principale ambition. Pour donner un autre exemple, alors qu’il y unanimité en Europe sur la nécessité d’adopter des mesures pour lutter contre le changement climatiques, il a décidé d’être contre !

Dans le cas où la Cour constitutionnelle rendait un avis favorable sur la conformité du Traité de Lisbonne avec la constitution tchèque, le Président Klaus pourrait il bloquer la ratification du traité ?

A l’issue de la procédure de ratification parlementaire, le Président peut refuser de signer le traité. Mais si le Parlement vote favorablement, je ne crois pas que Vaklav Klaus usera de ce recours constitutionnel. Le problème selon moi se posera davantage au sein du sénat tchèque où la question est de connaître le poids occupé par les proches du Président. Il ne faut de plus pas oublier que ce sont des logiques de marchandages qui vont s’opérer avec l’opposition. Le Président Klaus ainsi que le Premier ministre sont très favorables à ce que le Parlement tchèque autorise l’installation de radars américains sur le sol tchèque. Pour cela ils auront besoin des voix de l’opposition, les sociaux-démocrates. Il y aura donc certainement un marchandage : traité de Lisbonne d’un côté, radars américains de l’autre. Ce jeu politique risque de durer pendant des mois, mais je reste relativement optimiste sur une ratification en dernier lieu. …si toutefois le traité n’est pas abandonné entre temps.

Comment analysez la position du Président français qui affirme qu’il n’y aura pas d’autres élargissements de l’Union européenne tant que le Traité de Lisbonne ne sera pas entré en vigueur ?

C’est une façon de faire pression sur les pays favorables à des élargissement rapides, qui sont les pays d’Europe centrale et en particulier la République tchèque dont le gouvernement soutient très fortement l’adhésion des pays des Balkans occidentaux. C’est également le cas de la Pologne, ce qui avait d’ailleurs donné lieu à un échange très vif entre le Président français et le Président polonais lors du Conseil européens des 18 et 19 juin dernier.

De façon plus générale c’est également une façon d’envoyer des messages qui plaisent bien à l’opinion publique française. On a en France cette idée que l’élargissement à complètement compromis le processus d’intégration européen.

Une partie de vos recherches porte sur les attitudes en France vis-à-vis de l’élargissement. Est-ce un facteur d’explication au "non" français lors référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel ?

Lorsque l’on regarde l’analyse des résultats du référendum de mai 2005, on s’aperçoit que la question de l’Europe libérale arrive largement en tête devant l’élargissement. Cette dernière était d’ailleurs largement concentrée sur la Turquie. Ceci étant, il y existe un lien entre l’Europe libérale et l’élargissement dans le sens où les Français tendent à penser que l’élargissement constitue une "mini globalisation", source de dumping social, des pertes d’emplois… Tout ceci se résume assez bien dans le "plombier polonais". Ce qui est à la fois intéressant et inquiétant de noter c’est l’alliance entre l’extrême droite et la gauche de la gauche (y compris au sein du PS) autour de cette question qui a vu un amalgame entre un fantasme à l’égard du libéralisme économique et une atteinte au libéralisme politique dans le sens où il y avait clairement une forme de xénophobie derrière cela.

L’élargissement revient d’autant plus en creux du rejet d’une Europe libérale, qu’il y une ignorance des Français sur la réalité des sociétés d’Europe centrale, perçues comme des sociétés où règne un libéralisme sauvage et sans régulation. La question des délocalisations a également une grande importance. Il ne s’agit pas de nier les délocalisations vers les pays de l’Est, elles existent, mais il faut dire qu’il existe également des délocalisation vers la France ! Je cite dans mon dernier livre (La France dans la nouvelle Europe, à paraître en octobre) le cas d’une entreprise américaine qui fabriquait des frigidaires en Allemagne et a décidé de délocaliser dans un premier temps vers la République tchèque pour accéder à des marchés émergents mais également de fermer des unités à Cologne pour en ouvrir en France. Ce sont des choses dont on ne parle jamais, alors qu’en France il se crée plus d’emplois grâce à des investissements étrangers, européens et américains, que l’on en perd avec les délocalisations.

Vous vous êtes penché sur le thème de : "L’Europe des élites ?", un thème qui a été au centre des arguments des partisans du non au Traité de Lisbonne, lors de la campagne référendaire irlandaise. Ces critiques vous semblent elles fondées ? Comment atténuer le caractère élitiste de l’intégration européenne ?

A mon avis "l’Europe des élites" a dans un sens pris fin au moment de Maastricht. A l’image des années 80, marquées par l’Acte unique européen de 1985, le projet de la monnaie unique avec la mise en place du comité Delors, il régnait un consens permissif où les sociétés déléguaient aux élites le droit de prendre les décisions en Europe. Cela s’est traduit par une grande indifférence à l’égard de toute la mécanique décisionnelle européenne. Le changement intervient au début des années 1990. Au moment des campagnes référendaires pour la ratification du traité de Maastricht, les peuples ont demandé aux élites de rendre des comptes sur les décisions prises en Europe et la construction européenne en générale. Le débat qui a eu en France sur le traité de Maastricht a donné lieu à une grande mobilisation de l’opinion publique autour des choix européens. Cette demande s’est amplifiée par la suite et cela fait donc depuis plus de 20 ans que cela dure.

J’ajouterais par ailleurs qu’il faut manier ce terme d’élites avec précautions car les élites ne constituent pas un groupe homogène. Il y a par exemple en France, entre les élites économiques et les élites administratives, une attitude assez différentes vis-à-vis de l’intégration européenne. Les premières sont beaucoup plus ouvertes à l’idée du libre échange et à la mondialisation que ne le sont les secondes, qui ont un réflexe plus traditionnel et souverainiste.

Il y a enfin une dimension incontestablement élitaire de la construction européenne Quand on regarde les sondages réalisés dans les Etats membres, plus vous êtes diplômé, plus vous avez tendance à soutenir l’intégration européenne.

Qu’attendez-vous de la Présidence française de l’Union européenne ?

J’attends tout d’abord de la présidence française qu’elle fasse preuve de modernité dans sa façon de travailler avec les autres Etats membres et qu’elle se montre une médiatrice. Cela nécessite de casser les stéréotypes qui sont souvent attachés à l’action de la France : arrogance, peu à l’écoute des autres, faibles talents de médiation. Je souhaite franchement que la présidence française ne donne absolument aucun argument pour se faire battre sur le terrain de l’arrogance. J’ajoute que la crise institutionnelle née du non irlandais, renforce considérablement cette exigence de médiation. Il faut en situation de crise jouer les médiateurs, ce que Madame Merkel avait très bien fait au moment de la présidence allemande pour trouver un compromis sur la substance du traité de Lisbonne. Or, je vois au sein du gouvernement français des tendances contradictoires avec d’un côté une tendance persistante à faire des déclarations intempestives et puis de l’autres, des gens qui prennent des précautions car ils ont très bien compris qu’il fallait casser cette image d’une France arrogante qui n’écoute pas ses partenaires. Je pense en particulier au ministre des Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet qui a tout compris de la façon dont on pouvait avancer dans cette Europe d’aujourd’hui, à 27 Etats membres. Je pense donc que cette présidence fera figure de test de la modernisation de notre diplomatie. La diplomatie de la France a en effet a profondément besoin d’être modernisée.

J’attends ensuite de la présidence française qu’elle affirme le primat des politiques communes sur la réforme institutionnelle. Il faut affirmer l’importance du contenu car c’est autour de politiques communes que l’on crée de la légitimité. Les grandes priorités de la présidence française sont connues : le paquet "énergie-climat", immigration, défense, politique agricole commune. Je pense qu’il faut vraiment mettre ces projets en avant en montrant aux citoyens que c’est à partir des politiques communes que l’Europe est utile. Bien que la présidence française devra passer pas mal de temps à régler le problème irlandais, il ne faut qu’elle oublie non plus ces priorités, tout en agissant dans la concertation. Il faut consulter et négocier pour arriver un compromis solide. Ça prend du temps l’Europe !


 

Informations sur Christian Lequesne
Christian Lequesne est Directeur de recherche au Centre d’Etudes et de recherches internationales (CERI) de Science Po, LSE-Science Po Alliance, Professeur au sein de l’European Institute de la London School of Economics and Political Science à Londres, et ancien Directeur du Centre français de recherches en sciences sociales de Prague (2004-2006).
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