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Entretien du 15/04/08
Xavier Grosclaude
Délégué général de Fenêtre sur l'Europe

La communication de la Commission ne donne pas le sentiment d’exister au service d’un projet politique

Le Cercle des Européens : Pourquoi la communication institutionnelle de la Commission européenne ne marche-t-elle pas ?

Xavier Grosclaude : Personnellement, je ne dirais pas qu’elle ne marche pas mais plutôt qu’elle ne marche plus car elle est désormais trop "décalée". (lignes directrices peu claires, messages mal ciblés, cibles trop diffuses)

Ces dernières années, la communication institutionnelle de la Commission n’a pas donné le sentiment d’exister au service d’un projet politique mais plutôt d’exister pour elle-même sans véritables objectifs opérationnels. D’ailleurs, force est de reconnaître que l’un des aspects positifs des « non » néerlandais et français au référendum de 2005 est d’avoir fait éclater "la bulle communicationnelle" qui enveloppait l’action de la Commission.

Aujourd’hui, l’urgence est de valoriser l‘information européenne en mettant en place une stratégie de communication globale à géométrie variable c ‘est à dire adaptée, sur le fond et la forme, aux cibles à atteindre (citoyens, relais d’opinion, entreprises…).

Que pensez vous du "Plan D" ( Démocratie, Dialogue, Débats) lancé en octobre 2005 par Madame Wallström à la suite des non français et néerlandais au référendum sur la Constitution, dans le but de réconcilier les citoyens avec l‘Europe ?

Globalement, cette initiative va dans le bon sens, au même titre que la communication du 24 avril dernier intitulée « Communiquer sur l‘Europe dans les médias audiovisuels ». Néanmoins, je crains que son impact reste limité s’il ne s’accompagne pas d’une action de grande envergure en faveur de la formation aux affaires européennes.
Dit autrement, si je partage l’objectif qui consiste à améliorer la couverture de l‘actualité de l’Union Européenne dans les médias et à sortir l’actualité européenne d’une lecture purement nationale je suis convaincu qu’aucune opinion publique européenne ne pourra durablement émerger sans un effort soutenu de formation des citoyens et des relais d’opinion aux affaires européennes dans l‘ensemble des pays de l’Union.

Il me semble difficile d’obtenir un débat démocratique de qualité sur les actions engagées au niveau européen sans conjuguer formation et information. Se focaliser uniquement sur le volet "information" c’est prendre le risque de construire un nouveau château de sable, avec les effets pervers que nous connaissons.

Pourquoi la France, ses gouvernements successifs, a-t-elle si peur de communiquer sur l’Europe ?

Par crainte de la réalité tout simplement, celle d’un monde polycentrique en perpétuel mouvement dans lequel les Etats sont désormais des acteurs parmi d’autres. Cette réalité est difficile à admettre pour un pays comme la France à forte culture étatique. J’ai d’ailleurs le sentiment qu’il existe en France un large consensus au sein de la classe politique et dans une moindre mesure au sein de la haute fonction publique, pour maintenir les français dans la fiction d’un pays totalement souverain, entièrement libre de ses choix.

Il est frappant de constater qu’aujourd’hui encore, beaucoup d’élus entretiennent "une relation schizophrénique" vis à vis de l’Union européenne. Souvent très critiques durant leur campagne électorale sur l’utilité de "la bureaucratie Bruxelloise", ils sont néanmoins souvent les premiers à solliciter, en toute discrétion, le concours des fonds structurels européens pour le financement de leurs projets locaux…

Aussi, dans ce contexte, communiquer massivement sur l’Europe c‘est basculer dans le monde réel et s’exposer à des comparaisons – avouons le, pas toujours flatteuses - ce qui n‘est pas forcement souhaité par un gouvernement quelle que soit sa couleur politique.

La communication émotionnelle sur le développement durable, les organismes génétiquement modifiés, etc…brouille t-elle, selon vous l’image de l’Europe dans l‘esprit des citoyens ?

Oui assurément, mais pour être totalement honnête je ne suis pas certain que l’image de l’Europe soit réellement stabilisée dans l‘esprit des citoyens. En réalité, l‘inconvénient majeur de ce type de communication est d’être par essence réductrice et d’orienter les différentes opinions publiques sur des pistes parfois très éloignées de la raison.
Néanmoins, il va falloir apprendre à composer avec ce type de communication qui est la stratégie de communication privilégiée et naturelle des groupes de pression quel que soit leur champ d’intervention.

Comment communiquer sur la Présidence française de l’Union pour ne pas susciter la déception ou le désintérêt ?

En évitant deux écueils celui de la nationalisation et celui de la confusion des genres. Le premier consiste à communiquer sur la Présidence française sur la base d’une grille de lecture purement nationale. Cette approche est toujours tentante pour un gouvernement mais elle offre une très faible plus-value européenne et maintient les français dans la fiction évoquée précédemment. Le second écueil est celui de la confusion des genres. Ne nous y trompons pas, à travers la Présidence française c’est l’Union européenne qui doit être promue et non l‘inverse…

De fait, la communication du gouvernement sur la Présidence française doit absolument favoriser la compréhension des enjeux européens et ouvrir des perspectives à moyen terme en s’affranchissant de toute approche franco-française. Un suivi quotidien de l‘actualité de la Présidence française vue non pas de Paris mais des différentes capitales européennes pourrait aiguiser la curiosité des français et leur donner le goût de l’altérité.

Comment mieux communiquer pour enrayer la baisse de la participation aux élections européennes ? Quels autres moyens en dehors de la communication permettraient de susciter l’intérêt pour ces élections à nulle autre pareille ?

D’une part, en communiquant de façon pédagogique sur le rôle du Parlement européen qui reste une institution méconnue des français, d’autre part en recadrant les enjeux du débat européen autour du Parlement européen qui est, ne l’oublions pas depuis1979, le "poumon démocratique" du dispositif institutionnel européen.

Par ailleurs, il faut sans tarder valoriser dans l‘opinion publique le travail des députés européens pour éviter aux français d’arriver sur l‘élection sans autres repères que les contrevérités égrainées au gré des respirations électorales.

Enfin, il conviendrait de redonner à l‘élection au Parlement européen toute sa noblesse en revitalisant le débat européen autours de nouveaux acteurs. Il est temps, me semble t-il, de tourner la page des "listes fourre tout" en faisant siéger au Parlement Européen des hommes et des femmes pour qui l’Europe correspond à un engagement sincère, inscrit dans la durée.

Trois principes devraient guider le choix des partis politiques dans la sélection des futurs candidats à l‘élection européenne. Premièrement, l’acceptation par les futurs candidats du principe d’unicité c‘est à dire le choix accepté et revendiqué par chaque candidat d’assumer un seul et unique mandat celui de député européen à l‘exclusion de tout autre mandat national ou local. Deuxièmement, l‘adhésion au principe de "présentéisme intégral", en prenant l’engagement personnel devant les électeurs d’être député européen à temps plein et de rendre compte de ses activités de manière continue. Enfin, et c‘est peut être le plus important les respect du principe de crédibilité.

Le Parlement européen n’a pas vocation à être le cimetière des ambitions nationales brisées. Tant qu’il en sera ainsi l’intérêt des français pour cette élection sera faible. Aussi, serait-il judicieux, au sein des partis politiques, de sélectionner des hommes et des femmes qui ont un profil réellement européen et pour lesquels siéger au Parlement européen est un véritable honneur et non une sanction.

Y a-t-il dans d’autres pays européens que la France des exemples de communication réussie sur l’Europe ?

Pour être tout à fait honnête non sachant qu’il est difficile de comparer des stratégies de communication déployées sur des pays qui ont eu des trajectoires différentes au sein de l’Union. D’une manière générale, la réceptivité d’un pays au message européen semble étroitement corrélée à la date de son adhésion, plus on s’éloigne dans le temps plus l’indifférence augmente. Au delà de messages communs, cette réalité milite pour une communication différenciée par pays pour coller à l‘histoire de chaque pays membre de l’Union.


 

Informations sur Xavier Grosclaude
Xavier Grosclaude est Consultant en affaires publiques européennes, ancien Vice-Président "Shared Intelligence" pour l’ICMIF (Fédération internationale des assurances coopératives et mutualistes, ou en anglais International Cooperative and Mutual Insurance Federation). Juriste de formation, spécialisé en droit communautaire et diplômé de l’IEP de Strasbourg, Xavier Grosclaude est membre du Comité de direction de Fenêtre sur l’Europe.
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