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Entretien du 7/08/07
Philippe Perchoc
Président de l'association Nouvelle Europe

Les pays baltes sont animés d’un messianisme démocratique

 Le Cercle des Européens : Quel bilan peut-on faire de l’élargissement pour les pays baltes ?

Philippe Perchoc : C’est sans doute l’une des révolutions géopolitiques les plus importantes de ces 15 dernières années en Europe ! L’Estonie, la Lituanie et la Lettonie, qui ont longtemps vécu sous occupation soviétique, n’ont plus rien a voir avec ce qu’elles furent au début des années 90. Ce sont les seuls membres de l’Union européennes à avoir été des républiques socialistes soviétiques, on a tendance à l’oublier. Il suffit de les comparer avec des pays de même taille comme la Moldavie, restée sous influence russe et qui n’arrive pas à faire sa transition pour mesurer le chemin parcouru.

Les transformations économiques nécessaires à l’adhésion européenne ont été radicales et elles portent aujourd’hui leurs fruits. La Lettonie a connu en 2006 un taux de croissance de 11% ! Depuis l’élargissement de 2004, ce sont eux qui ont fait le plus de chemin.

Comment cela ce concrétise-t-il ?

L’Estonie connaît, par exemple, une formidable révolution numérique bien plus développée qu’en France ! Lors des dernières élections municipales et législatives, les Estoniens ont pu voter par internet. Ce fut une première mondiale ! Là-bas, chaque citoyen dispose d’une carte d’identité à puce très perfectionnée.
De plus, le Conseil des ministres est désormais entièrement informatisé. Chaque ministre vient avec son ordinateur sur lequel il a reçu au préalable l’ordre du jour grâce à un réseau interne très sécurisé. En une heure, le Conseil des ministres est terminé.

Autre exemple. Les énergies renouvelables représentent 36% de l’énergie consommée en Lettonie. C’est largement plus que dans les autres pays européens et c’est supérieur à ce que prévoit Kyoto à l’horizon 2010... La Lettonie utilise l’énergie éolienne, la bio-masse (grâce aux nombreuses forêts qui couvrent son territoire) et l’énergie hydraulique développée par les barrages construits aux temps de l’URSS. Ces avancées sont indispensables pour réduire la dépendance énergétique à la Russie.

Ces « révolutions » numériques et écologiques sont en partie financées par l’Union européenne. Alors que pour la période 2007 - 2013, les 3 pays baltes recevront de Bruxelles plus de 15 milliards d’euros, comment expliquez-vous que ces pays n’aient utilisé en moyenne qu’un 1/3 des fonds structurels et moins de 10% des fonds de cohésion dont ils étaient pourtant bénéficiaires au titre de l’exercice 2004-2006 ?

Il y a effectivement des problèmes de capacités d’absorption. Ces fonds structurels, comme dans beaucoup d’autres pays européens, ne sont pas toujours tous utilisés. N’oubliez pas que ce sont des politiques de co-financement. Quand Bruxelles finance 50% d’un projet, Riga doit aussi donner 50%… Ca limite mécaniquement l’utilisation des fonds structurels. Mais le vrai problème, c’est le manque d’expertise. Monter un dossier de financement auprès de la Commission européenne est extrêmement complexe. Il n’y a, dans ces pays, pas suffisamment de fonctionnaires formés pour répondre aux appels d’offres et monter un dossier crédible en matière d’audit, de gestion, de mise en œuvre et de suivi.
Mais progressivement, les grands cabinets d’avocats et d’audit s’installent là-bas pour pallier ce manque… Des jeunes diplômés locaux qui effectuent un passage de deux ou trois ans dans les Ministères partent ensuite travailler dans ces cabinets pour collaborer avec les collectivités locales.

Fin avril, après le retrait contesté d’une statue d’un soldat soviétique à Talinn en Estonie, les affrontements entre nationalistes russes et policiers estoniens ont remis en avant plan le problème des minorités russophones dans les pays baltes…

Les populations russophones qui représentent un tiers de la population en Estonie, environ 40% de la population en Lettonie et seulement 8% en Lituanie cohabitent en réalité sans aucun problème avec les populations locales. N’oubliez pas que dans les pays baltes, beaucoup de gens parlent encore le russe.
Récemment Vladimir Poutine a proposé aux familles russophones qui le souhaitaient d’émigrer dans l’enclave russe de Kaliningrad avec à la clé des aides financières. Seules 7 familles d’Estonie ont effectué le voyage. C’est la preuve que les Russes vivent très bien dans les pays Baltes ! Ils sont conscients que leur qualité de vie est largement supérieure à ce qu’ils pourraient avoir en Russie.
En Lettonie, les 18% de « non citoyens », ceux qui ne possèdent pas la nationalité lettone et qui ne sont pas ressortissants d’un autre pays, ont les mêmes droits sociaux et économiques que la majorité de la population. La seule différence, c’est qu’ils ne peuvent pas voter. Les modalités d’obtention de la citoyenneté ont été grandement facilitées ces dernières années, mais certains restent réticents à devenir des citoyens de leurs nouvel Etat.
En réalité, Moscou instrumentalise la question des minorités russes pour tenir tête aux Européens dans le domaine des droits de l’Homme. Montrer des doigts les Baltes, c’est cacher un peu plus les Tchétchènes.

Comment ces minorités ont-elles vécu leur intégration à l’Union européenne ?

Les minorités russophones sont partisanes d’une meilleure entente avec Moscou mais elles ne rejettent pas du tout l’Union européenne même si l’adhésion n’était pas une de leur priorité.
Paradoxalement, cette minorité est souvent la plus prompte à recourir aux instances européennes pour défendre, en tant que minorité, ses droits notamment liés à l’apprentissage de la langue, à l’éducation,…

Avant l’adhésion des pays baltes, certains, et notamment en France, se sont inquiétés de leur atlantisme. Qu’en est-il ? Concernant leur soutien à la guerre en Irak, Jacques Chirac avait même déclaré qu’ils avaient « perdu une bonne occasion de se taire »…

Il y a, c’est vrai, un fort tropisme américain chez les élites économiques et politiques des pays baltes .
Le Président estonien, Toomas Hendrik Ilves, a longtemps vécu aux Etats-Unis après avoir étudié à Columbia et avoir travaillé à Radio Free Europe. Le Président lituanien a également vécu aux Etats-Unis, à Chicago. Il a même dirigé une agence gouvernementale de protection environnementale. Enfin, la présidente lettonne, Vaira Vīķe-Freiberga, a étudié à McGill au Canada.
Oui, ils ont soutenu la guerre en Irak parce qu’ils pensent que ce que les Occidentaux (et particulièrement les Américains) ont fait pour eux, ils doivent le faire aussi pour les autres. Ils sont un peu animés de ce messianisme démocratique.

Concernant la politique européenne de défense, leur vision est donc plus proche de celle des Britanniques que de celle des Français. Ils sont pour un pilier européen de défense au sein de l’OTAN. Après leur indépendance, les pays Baltes n’ont pas eu les moyens de créer une armée de l’air. Du coup, c’est l’OTAN qui surveille leur espace aérien ! Avant, les Russes survolaient régulièrement leurs capitales pour montrer qu’ils n’étaient qu’à quelques dizaines de kilomètres… Pour les pays Baltes, la menace est encore ressentie comme réelle.

Pour dissuader Moscou de toute tentative d’intervention, la Lituanie avait même proposé aux Américains d’installer, dans le cadre de leur bouclier antimissile (qui devrait être installé en République Tchèque et en Pologne), certains de leurs missiles sur son territoire.

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