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Entretien du 16/07/07
Denis Badré
Sénateur français

Le budget européen n’est pas démocratique !

 Une nouvelle législature commence avec l’Europe au cœur des préoccupations. Or vous êtes rapporteur du budget européen au Sénat et très critique quant à l’élaboration de ce budget…

Le budget européen n’est pas démocratique ! Il ne répond pas aux critères de bonne gouvernance. Ses ressources proviennent à 90% des contributions versées par chaque Etat membre sur son budget national et le Parlement de chaque pays a juste le droit de voter pour ou de voter contre. Une fois le budget voté, les parlementaires n’ont plus aucun droit de regard. Ils n’ont rien à dire sur les dépenses réalisées. Le Parlement européen et le Conseil en décident seuls. Or, un budget dont les recettes sont votées par les parlements nationaux et les dépenses par le Parlement européen n’est pas un budget réellement démocratique. Il déroge au principe du consentement à l’impôt qui est pourtant la base de toute démocratie…

Les pays se mettent cependant d’accord sur les pourcentages du PNB de chacun à affecter au budget européen…

Cela est tout aussi absurde. La question est de savoir, non pas s’il faut consacrer 1% ou 2% du PNB au budget européen, mais quels sont les moyens dont l’Union européenne a besoin pour financer ses missions définies par ses compétences ? Actuellement, on vote un budget et à la fin, on regarde s’il en reste trop ou s’il n’y en a pas assez… Ce n’est pas sérieux. Résultat ! On retombe toujours dans le détestable débat sur « le juste retour », qui renvoie au « I want my money back » de Margaret Tatcher. Chaque pays veut en avoir pour son argent, et récupérer en aides de la Communauté ce qu’il a versé au budget européen. Cette conception est erronée. Certaines dépenses au bénéfice de certains Etats membres profitent en réalité à tous les pays. Prenez, par exemple, le cas du Portugal et de l’Irlande qui ont bénéficié d’importants fonds structurels. Leur développement a profité à l’ensemble des entreprises européennes qui ont pu investir dans la réalisation de projets d’infrastructures financés par l’Europe. De même, quand on aménage un port ou un aéroport dans un pays, c’est toute l’économie européenne qui en profite. De manière plus générale, comment calculer les retombées économiques de la paix en Europe ?

Que faut-il changer ?

Je pense qu’il faut aller progressivement vers un impôt européen. L’Union européenne doit pouvoir lever des impôts pour financer les actions relevant de ses compétences : la PAC, le développement régional (c’est à dire les fonds structurels) et progressivement, la recherche, les transports, l’action extérieure et une politique européenne de co-développement, voire même l’énergie (même si dans ce dernier secteur, les compétences européennes sont limitées) Cela prendra peut-être 20 ans, mais pourquoi pas imaginer une TVA à 20% dont 12% seraient, par exemple, consacrés au budget français et 8% au budget européen. Il ne faut pas attendre la fin des perspectives financières en 2013 pour en discuter. En 2009, aura lieu la révision à mi-parcours de ces perspectives pluriannuelles (la période en cours va de 2007 à 2013) et les discussions commenceront sous présidence française de l’Union au deuxième semestre 2008. Ce devrait être selon moi l’occasion pour nous de promouvoir une mise à plat du budget européen. La France doit en faire la priorité de sa Présidence et s’attacher à ce que des décisions de fond soient prises qui aillent dans le sens d’un impôt européen.

Nicolas Sarkozy est allé à Bruxelles plaider la cause de la France pour repousser la date à laquelle le budget français pourra être en équilibre…Le Pacte de stabilité est-il trop strict, nécessaire ou superflu ?

Il est en tout cas indispensable. Nous avons décidé d’une monnaie commune. Elle suppose la solidarité entre tous les membres de l’eurozone. Les pays de l’Eurogroupe se sont imposés des règles communes – à travers le Pacte de Stabilité et de Croissance- qui doivent être respectées. Ce Pacte, la France l’a demandé et inventé. Il n’est pas normal qu’on ne le respecte pas. La France ne peut vivre à crédit sur le dos de ses enfants. Dans un espace solidaire comme l’est l’Europe, chaque pays doit accepter le jugement des autres, même si ce n’est pas toujours facile. Une remarque plus générale : des pays comme la France et les Etats-Unis, parmi les plus endettés, absorbent de ce fait beaucoup de capitaux sur le marché mondial. Du coup, les pays en développement, beaucoup moins solvables, ont plus de difficultés à trouver les ressources financières nécessaires à leur développement.

Quel regard portez-vous sur les résultats du Conseil européen des 21 et 22 juin et sur l’accord qui y a été conclu sur un « traité réformateur » ?

Permettez-moi en cette période du Tour de France une métaphore cycliste : on a remis en selle l’Europe, ça ne veut pas dire qu’on a gagné une étape ! Pour qu’elle reprenne véritablement de l’élan, il faut qu’elle retrouve son esprit communautaire. Or la question du déficit public français que je viens d’évoquer ne va pas en ce sens. Il faut ensuite déplorer l’attitude de la Pologne qui se refuse à passer outre aux blessures de la dernière guerre mondiale, et s’en sert comme argument pour peser sur les arbitrages politiques européens. Les pères fondateurs ont voulu une Europe de la réconciliation, pas de la réparation ou du nationalisme. Enfin, le refus des Britanniques d’admettre l’application de la Charte des droits fondamentaux est regrettable. On peut tenter de comprendre leur refus d’accepter l’espace Schengen ou encore l’euro, mais ici il s’agit d’une Charte qui consacre des valeurs démocratiques, sociales et culturelles…

Que pensez-vous en tant que vice-président de la Délégation européenne au Sénat des pouvoirs désormais dévolus au Parlement en ce qui concerne la politique européenne ?

Notre rôle dans la définition des politiques européennes est de plus important en plus important. Par exemple, depuis 2006, nous traitons en direct avec la Commission européenne de toutes les questions relatives au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, qui délimitent les compétences européennes et nationales. Un tel dialogue peut sembler normal dans d’autres pays de l’Union européenne où les parlements ont des pouvoirs étendus. En France, où l’exécutif est prédominant, cela peut surprendre. Mais c’est ainsi que les choses se passent et cela est bien car les parlements nationaux sont plus porteurs de l’intérêt commun que certaines institutions européennes, comme le Conseil. Les gouvernements défendent surtout leurs intérêts nationaux. Les parlements nationaux ont eux une attitude plus proche du Parlement européen et de la Commission européenne.


 

Informations sur Denis Badré
Denis Badré est Sénateur centriste des Hauts de Seine, vice-président de la Délégation européenne et rapporteur du budget européen au Sénat.
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