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Entretien du 20/06/12
Thierry Sueur
Directeur de la Propriété intellectuelle Groupe Air Liquide

ACTA : l’Europe va-t-elle se désolidariser de ses partenaires dans la lutte contre la contrefaçon ?

L'accord ACTA est source de polémiques en Europe entre les défenseurs des droits d'auteurs et ceux des libertés individuelles. Pour Thierry Sueur, directeur de la Propriété Intellectuelle du groupe Air Liquide, les entreprises attendent de l’ensemble des autorités européennes une attitude responsable devant les forts enjeux en cause.

L’accord commercial anti-contrefaçon (plus connu sous son acronyme anglais ACTA) a été négocié entre 37 pays : l’UE au nom de ses 27 Etats Membres, l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, les Etats-Unis, le Japon, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et la Suisse qui, ensemble, représentent plus de 50% du commerce mondial. Il est, bien entendu, ouvert à l’adhésion d’autres pays. Son objectif essentiel est de lutter contre la prolifération des marchandises contrefaites ou piratées et des services qui les distribuent au moyen d’une coopération internationale accrue et d’un respect de l’ensemble des droits de propriété intellectuelle plus efficace au niveau international. A cet égard, il complète et précise les dispositions de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC ou, en anglais, TRIPS) de l’OMC.

Directif dans son approche globale des actions à entreprendre pour lutter contre la contrefaçon et dans sa mise en avant de l’importance de la coopération des autorités nationales, notamment douanières, l’accord laisse une grande marge de manoeuvre aux Etats signataires pour la définition des mesures spécifiques de mise en oeuvre. Il prend en particulier grand soin d’exclure toute remise en cause des libertés et droits fondamentaux des citoyens, y compris le droit au respect de la vie privée, dans chacun des pays signataires. La Commission européenne a d’ailleurs indiqué qu’à son avis la mise en oeuvre de l’accord n’imposerait aucune modification de la législation communautaire actuelle. Pour plus de sécurité à cet égard, elle a toutefois décidé de demander l’opinion de la Cour de Justice de l’UE sur la compatibilité de l’accord avec les Traités.

Rien de tout cela n’a suffi à empêcher la multiplication d’attaques de tout bord contre l’accord l’accusant pêle-mêle de visées liberticides sur l’Internet, de remettre en cause l’accès aux médicaments génériques, d’entraver l’exploitation du logiciel libre, etc. A vrai dire, ces attaques visent l’existence même de la propriété intellectuelle bien plus que l’accord lui-même dont le caractère raisonnable et équilibré ne les justifie en rien. Plus inquiétant, cependant, est l’écho que ces attaques ont au sein du Parlement européen qui, après avoir présenté en novembre 2011 une résolution approuvant la signature de l’accord, à laquelle 22 Etats Membres et la Commission ont procédé en janvier 2012 à Tokyo, doit maintenant donner son aval à la ratification de l’accord.

Le rejet pur et simple de l’accord par le Parlement enverrait un message extrêmement négatif global sur les véritables intentions de l’Europe au regard de la lutte contre la contrefaçon et le piratage sur son territoire en totale contradiction avec les discours officiels sur l’innovation comme moteur de croissance et de compétitivité et sur la défense des emplois. Il mettrait en outre l’Europe dans une situation de faiblesse lors des négociations bilatérales ou multilatérales sur le respect des droits de propriété intellectuelle par les pays tiers, qui auront beau jeu d’opposer une telle inaction européenne aux demandes d’action qui leur seraient faites. Les enjeux sont donc bien au-delà d’ACTA lui-même.

Il n’est peut-être pas trop tard pour éviter l’irréparable. Certains parlementaires ont proposé que la Commission présente clairement son interprétation de l’accord et ses intentions quant à ses effets en droit communautaire. Cela pourrait prendre la forme d’un engagement de la Commission de ne pas utiliser l’accord ACTA pour justifier une modification aux textes en vigueur ou pour s’opposer à une modification de ceux-ci qui ne toucherait pas aux principes fondamentaux de la lutte contre la contrefaçon et le piratage. Que ce soit par ce moyen ou par un autre, les entreprises attendent de l’ensemble des autorités européennes une attitude responsable devant les forts enjeux en cause. Encouragement à l’innovation et aux innovateurs et donc croissance sont en jeu.

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