Logo CDE

Logo Cercle des Européens

Intervention du 6/06/07

Que devient la Charte des droits fondamentaux ?

La Charte sera-t-elle incluse dans le nouveau traité européen ou sera-t-elle « oubliée » par les Chefs d’Etat et de gouvernement ? Comment imaginer une communauté politique sans déclaration des droits ? L’importance de la Charte est fondamentale, elle atteste qu’il n’est pas possible de réduire l’Union à un marché, mais qu’il faut la regarder comme une communauté de valeurs partagées par les peuples européens. Retour sur les avancées et les limites d’une Charte controversée.

Une des parties fondamentales de la Constitution européenne.

Elle atteste qu’il n’est pas possible de réduire l’Union à un marché, mais qu’il faut la regarder comme une communauté de valeurs partagées par les peuples européens. Les 54 articles de la Charte garantissent en effet la dignité humaine, la liberté d’expression et d’information, l’égalité entre hommes et femmes, le droit de grève, le droit à la sécurité sociale et à des conditions de travail justes et équitables…

A quelques jours du Sommet européen des 21 et 22 juin, la Confédération européenne des syndicats (CES) dont les 700 représentants syndicaux se sont retrouvés à Séville le 24 mai pour leur congrès annuel, s’est préoccupé du sort de la Charte des droits fondamentaux de l’Union, comme l’a indiqué Jean-Claude Mailly, Secrétaire général de FO devant le Cercle des Européens le 29 mai 2007. (cf. la rubrique « invités ».

La Charte sera-t-elle incluse dans le traité simplifié que le Président français appelle de ses voeux ? Sera-t-elle « oubliée » par les Chefs d’Etat et de gouvernement ? Les dirigeants européens réunis en Conférence intergouvernementale (CIG) pour finaliser le texte du futur traité se contenteront-ils d’une simple référence ? Décideront-ils d’un renvoi en annexe d’un texte qui pourtant avait justifié de dénomination de « Constitution » du traité constitutionnel européen ?

Retour sur les avancées et les limites d’une Charte controversée, adoptée en 2000, partiellement modifiée en 2003 à l’occasion de son introduction dans la Constitution européenne et dont le sort n’est à ce jour pas arrêté.

Un texte clair et complet à la fois

Premier mérite de la Charte : sa lisibilité et sa simplicité. 54 articles courts et clairs réunis dans un seul texte. Jusqu’alors, tous ces droits étaient éparpillés dans une kyrielle de décisions et textes différents (Convention européenne des droits de l’Homme, Charte sociale européenne, jurisprudence communautaire…) Outre les droits civils et politiques, la Charte consacre des droits économiques et sociaux et des droits dits « de troisième génération » tels que l’environnement, la bioéthique, ou encore la protection des données informatiques à caractère personnel.

Des droits adaptés à l’ère de la révolution technologique

Les droits civils et politiques sont analogues à ceux que l’on retrouve dans tous les grands textes internationaux sur les droits de l’homme comme l’interdiction de la torture, de l’esclavage, du travail forcé ; la liberté de pensée, de conscience, d’expression et d’information, le respect de la vie privée, la non discrimination,… Ce sont des droits qui ne donnent pas forcément lieu à des prestations positives de la part de l’Etat.

La Charte réaffirme aussi l’importance des droits de l’individu face à certaines conséquences du progrès technologiques. Il s’agit de protéger des pollutions et de défendre l’environnement. Il s’agit en matière de bioéthique d’interdire toute discrimination à raison des caractéristiques génétiques. A l’ère de l’informatique et de l’internet, la Charte pose en principe que « toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant ». Ces principes sont susceptibles de fonder des règlementations communautaires, dont certaines existent du reste déjà. L’approche est donc différente de celle qui prévaut aux Etats-Unis qui font une place plus grande à l’autorégulation.

Des droits sociaux âprement négociés

S’il fallait singulariser le « modèle » européen par rapport à « l’ American way of life », c’est incontestablement par rapport aux garanties sociales qu’il faudrait se situer. Les tenants du non au référendum en France ont surtout insisté sur l’atteinte aux acquis sociaux qui aurait résulter selon eux de la Constitution européenne. Or jamais un traité européen n’avait comporté autant d’avancées sociales, que ce soit à travers la Charte ou de par l’adjonction d’articles étendant les compétences de l’Union (services publics ou le dialogue social.)

Pour la première fois, le « droit de grève » était reconnu par l’Union européenne (une reconnaissance obtenue de justesse par les partis de gauche) et le « droit au lock-out » au contraire rejeté. La Charte consacre également le droit à l’information et à la consultation des travailleurs, « en temps utile », avant que l’opération en cause – comme une fusion par exemple – n’ait été décidée, s’inspirant ainsi de la jurisprudence française la plus favorable aux travailleurs dans ce domaine. Enfin, le droit à des « conditions de travail justes et équitables » et le droit à la « sécurité sociale et l’aide sociale » sont également inscrits dans la Charte.

Un devenir en suspens…

Déjà certains pays comme le Royaume Uni avaient réussi à faire « encadrer », dans le texte final de la Constitution européenne, la portée de cette Charte de manière à limiter en particulier la valeur contraignante des droits sociaux ainsi affirmés. De manière générale, il était spécifié que la Charte n’avait lieu de s’appliquer que lorsque les Etats « mettent en œuvre le droit de l’Union » et non leur législation nationale.

Sans valeur contraignante à l’heure actuelle, la Charte, par le biais de son interprétation par la Cour de justice européenne, devient progressivement une source d’inspiration pour les juges.

Lui donner une valeur juridique reste toutefois un enjeu majeur dont les syndicats européens (dont certains avaient pourtant milité contre la Constitution européenne) viennent de rappeler l’importance. Son importance également est grande pour la société civile européenne en voie de construction. Comment imaginer une communauté politique sans déclaration des droits ? Si l’on est d’accord pour une Europe politique, on est d’accord pour une Charte. Et cette fois-ci, il n’est pas possible d’admettre, comme avec l’euro, qu’un Etat puisse se soustraire de l’obligation de respecter les droits et libertés qu’elle affirme. Le Conseil européen des 21/22 juin est sous présidence allemande comme l’avait été la Convention ayant élaboré le projet de Charte en 1999 (sous présidence de l’ancien Président de la République Fédérale d’Allemagne (Herman Herzog). Est-ce un signe ?

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)
Cercle des Européens

Pour une Europe unie…

Photorama

Partenaires

Copyright ©2024 Cercle des Européens | Tous droits réservés | Mentions légales | Politique de confidentialité | Réalisation inPhobulle

Ce site utilise Google Analytics. En continuant à naviguer, vous nous autorisez à déposer un cookie à des fins de mesure d’audience.