Logo CDE

Logo Cercle des Européens

Intervention du 23/07/07

L’Europe, grande absente des élections en Turquie

Le thème de l’Europe n’est plus très porteur au sein d’une population turque lassée d’attendre de l’Union une véritable perspective d’adhésion. Tandis que certains dirigeants politiques turcs estiment avoir été trahis par les autorités européennes, ces dernières ont répété leur désir de poursuivre sereinement les négociations avec la Turquie.

L’Europe fut la grande absente de la campagne législative turque qui a débouché dimanche 22 juillet sur la victoire massive de l’AKP ( « Parti de la Justice et du développement » issu de l’islamisme) du Premier ministre sortant Recep Tayyip Erdogan. Celui-ci n’ayant évoqué l’Union européenne qu’une fois sa victoire assurée. Car durant toute la campagne, les partis et les candidats ont longuement débattu de la guerre en Irak, de la minorité kurde, de la place de la laïcité, mais ils ont préféré faire profil bas sur l’Union européenne tant la question de l’adhésion est devenue un sujet politiquement explosif et électoralement risqué.

Ahmet Insel, "Il n'y a eu aucun débat sur les questions européennes"« C’est vrai qu’il n’y a eu aucun débat sur la question européenne. Même les partisans de l’adhésion comme les candidats du parti au pouvoir - l’AKP ont évité d’en parler. Il fallait lire attentivement les programmes pour se rendre compte que la question était tout de même abordée par les partis » reconnaît Ahmet Insel, professeur à l’université de Galatasaray. Le thème, il est vrai, n’est plus très porteur au sein d’une population turque lassée d’attendre de l’Union une véritable perspective d’adhésion.

« L ’Europe nous a trahi ! » lance Baskin Oran, ancien professeur de sciences politiques à l’Université d’Ankara, membre d’honneur de l’association française Turquie européenne et candidat indépendant dans la circonscription d’Istanbul. Il fait valoir qu’entre 2001 et 2004, la Turquie a fait « énormément de réformes ». Alors que pour les Européens, les réformes adoptées tardent à être mises en œuvre, le candidat laïc et de gauche estime que son pays a « fait un bond de 400 ans vers la démocratie ! » Mais, souligne-t-il, « la population nous demande sans cesse : qu’avez vous reçu en échange des efforts réalisés par la Turquie ? Et nous sommes incapables de donner une réponse ! Les Turcs ne voient plus la lumière à l’autre bout du tunnel. » Les partis politiques turcs ont donc préféré ignorer la question de l’adhésion où chacun avait électoralement plus à perdre qu’à gagner.

C’est surtout l’attitude de la France et de l’Allemagne qui est mal ressentie. La phrase du Président Sarkozy « la Turquie n’a pas vocation à entrer dans l’Union européenne » est connue de tous. C’est d’ailleurs pour ne pas perturber les discussions sur le Traité réformateur que le chef de l’Etat français a accepté fin juin que la Commission européenne ouvre deux chapitres de négociations avec la Turquie sur les trois prévus. (Le troisième devait être consacré à la politique économique et monétaire, les deux autres, très techniques, portant sur les contrôles financiers et les statistiques). Quant à la position de la Chancelière Angela Merkel qui, tout en continuant de soutenir les négociations d’adhésion, n’écarte pas l’idée du partenariat privilégié - une « bonne alternative » à l’adhésion – elle est considéré comme proche de celle du Président français. On sait que les opinions publiques sont sur la même ligne. En juin, un sondage réalisé par l’institut Harris pour le compte du Financial Times montrait qu’en France et en Allemagne, le taux d’opposants à l’intégration de la Turquie s’élevait à respectivement 71% et 66%.

"L'Europe nous a trahi" estime Baskin Oran, candidat laïc indépendant.Pour Baskin Oran, « Il y aura toujours une paranoïa européenne : l’islamophobie… Les dirigeants européens veulent garder la Turquie à distance et ils font ça pour gagner les votes de leurs électeurs. C’est aussi simple que cela ! » D’où l’évolution de l’opinion turque. Selon les sondages, seuls plus de 50% des Turcs se prononcent pour l’adhésion à l’Union européenne. Il y a deux ans, ce chiffre s’élevait à 60%. « Et quand on pose la question de manière inversée : pensez-vous que l’Union européenne acceptera l’adhésion de la Turquie ? Près de 65% répondent par la négative. Un grand scepticisme s’est donc durablement installé dans l’opinion publique turque » analyse Ahmet Insel « Avec l’hostilité présumée de l’Union européenne et la peur, comme en France , de la mondialisation, il ne faudra pas s’étonner qu’une phase de nationalisme prononcé voit le jour en Turquie » s’alarme Baskin Oran. Mais l’intellectuel refuse de croire, qu’un jour, la question de l’adhésion à l’Union européenne ne soit plus à l’agenda turc car « Depuis 5 siècles, la Turquie n’a jamais cessé de marcher vers l’Occident ».

Après les élections de ce dimanche, les autorités européennes ont répété leur désir de poursuivre sereinement les négociations avec la Turquie.« Personnellement, je crois que c’est une question de crédibilité pour l’UE (....) Je voudrais demander à la France et à tous les États membres de ne pas revenir sur la décision que nous avons prise ensemble et de poursuivre les négociations » a déclaré le président de la Commission, José Manuel Barroso. Tout en ajoutant « La Turquie n’est pas prête à devenir membre de l’UE et l’UE n’est pas prête à accepter la Turquie comme membre. Ni demain, ni après-demain. »

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)
Cercle des Européens

Pour une Europe unie…

Photorama

Partenaires

Copyright ©2024 Cercle des Européens | Tous droits réservés | Mentions légales | Politique de confidentialité | Réalisation inPhobulle

Ce site utilise Google Analytics. En continuant à naviguer, vous nous autorisez à déposer un cookie à des fins de mesure d’audience.