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Intervention du 24/07/07

Traité réformateur : ce qui va changer

Après la décision des 27 de mettre en place une Conférence intergouvernementale, le train de la réforme institutionnelle est en marche. la simplification, la différenciation et la réponse au défi du 21ème siècles seront les lignes forces de ce nouveau traité.

Le train de la réforme institutionnelle est en marche.

Après le feu vert du Parlement européen du 18 juillet, les ministres des Affaires étrangères des 27 ont approuvé le 23 juillet la mise en place de la Conférence intergouvernementale (CIG) chargée d’élaborer un nouveau traité. Son mandat est clair : il ne s’agit plus de substituer un nouveau traité aux traités actuels (traité sur l’UE, traité sur le fonctionnement de l’Union, et traité Euratom inchangé), mais – selon la méthode traditionnelle – de préciser les seules dispositions les modifiant. C’est pourquoi on peut aller vite : le texte du traité réformateur devrait être finalisé mi-octobre, pour ratifications en 2008 et entrée en vigueur en 2009.

La volonté politique des dirigeants européens est manifeste.

Aucun des dirigeants européens ne paraît envisager un référendum (sauf en Irlande où une consultation populaire est obligatoire, mais où la force du sentiment européen laisse peu de doute sur l’issue positive du vote). Le Premier ministre britannique, Gordon Brown, peu suspecté d’être atteint d’europhilie, a lui-même déclaré que le Royaume-Uni « serait satisfait d’un texte dépourvu de toute nature constitutionnelle qu’il n’aura donc pas besoin de soumettre à référendum » contrairement à ce qu’avait en son temps annoncé Tony Blair.

Plus de temps à perdre. L’Europe élargie doit sans plus tarder renforcer son intégration politique, faute de quoi, le char de l’Europe traîné par les 27 Etats membres fera du sur place. Tel est le message transmis aux citoyens européens par leurs dirigeants.

La complexité du texte est la même qu’auparavant.

Pour autant, le traité réformateur sera-t-il plus accessible que feue la Constitution européenne ? Sans doute non. Le projet de traité préparé par les jurisconsultes du Conseil - et déjà publié - n’est pas plus court, ni plus lisible que le traité constitutionnel. Comment imaginer que la traduction juridique de l’organisation et du fonctionnement d’une Europe aux institutions sans équivalent au niveau étatique puisse être simple ? Comment imaginer que l’on puisse résumer en quelques articles les multiples compétences toujours entremêlées, parfois également partagées, de l’Union et de ses Etats membres ? C’est en raison de cette complexité intrinsèque des solidarités bâties entre les Etats et leurs peuples au fur et à mesure des traités successifs, qu’il importe d’expliquer aux citoyens ce qu’est et ce que fait l’Europe et de quelle façon ils peuvent avoir prise sur elle.

Quelques grilles de lecture permettent heureusement d’en appréhender les lignes forces.

Celles-ci sont au nombre de trois : d’une part, le futur traité – dans la continuité du traité constitutionnel – procède à une simplification des institutions européennes. D’autre part, faute de pouvoir garantir que tout le monde avance désormais toujours de concert, il prend le parti de la flexibilité et de la différenciation. Enfin, il aborde les enjeux du 21ème siècle sans toutefois aller jusqu’au bout de la logique d’une action véritablement commune dans les domaines concernés.

Première idée force : il faut simplifier l’architecture institutionnelle.

La simplification du mécanisme institutionnel se concrétise à travers plusieurs innovations. L’unicité de la personnalité juridique de l’Union européenne est affirmée (elle fait disparaître la Communauté). La stabilisation du mandat du Président du Conseil européen est assurée (pour deux ans et demi renouvelable une fois, au lieu de six mois). L’effectif de la Commission européenne est resserré (18 membres qui devront se consacrer à temps plein à leurs fonctions). Le caractère d’institutions de l’Union à part entière tant du Conseil européen que de la Banque Centrale européenne est officialisé (l’Eurogroupe voit son existence reconnue, mais n’est pas encore mentionnée dans les institutions de l’Union, cela viendra…) Enfin, last but not least : le « Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » remplace le Haut représentant actuel auprès du Conseil européen et le Commissaire aux relations extérieures (cette dichotomie ne se justifiant en effet nullement.)

Deuxième idée force : l’Europe avancera par groupes d’Etats pionniers.

Au chapitre de la flexibilité, le projet de traité – plus que le traité constitutionnel – prend acte du fait que les Etats pourront difficilement toujours avancer ensemble, et en même temps. La Grande-Bretagne (à un moindre degré l’Irlande et le Danemark) se voit de nouveau reconnaître un droit d’opt out : la Charte sur les droits fondamentaux n’y aura pas valeur contraignante et les nouvelles dispositions renforçant la coopération judiciaire et policière n’y seront pas applicables. Par ailleurs, la future Europe sera à « géométrie variable » comme en témoigne la multiplication des dispositions permettant à un tiers des Etats membres (9 actuellement) de décider de transferts de souveraineté sans les autres. Cela s’appelle « coopérations structurées » en matière de défense, et « coopérations renforcées » dans les autres domaines, y compris celui très important de la lutte contre la criminalité par exemple. Rien n’est dit à cet égard concernant l’économie, sauf en ce qui concerne l’euro. La monnaie unique est pour la première fois citée comme la monnaie de l’Union et l’Eurogroupe est pour la première fois également mentionné par le traité.

Troisième idée force : l’Europe doit pouvoir faire face aux enjeux dont dépend la préservation du bien-être de ses habitants et de son indépendance politique et économique.

Energie, changement climatique, immigration, criminalité transfrontalière, terrorisme, gouvernance économique, sécurité et défense…le projet de traité reflète une prise de conscience de la nécessité d’actions, non seulement coordonnées, mais véritablement communes dans tous ces domaines. Certes les transferts de compétences restent encore limités. La gouvernance économique demeure embryonnaire, alors même que les problèmes de pouvoir d’achat et d’emploi ne sont pas résolus. Il aurait été préférable d’être plus ambitieux. Comme l’a souligné Madame Merkel lors du cinquantième anniversaire du traité de Rome, le monde change et n’attend pas l’Europe. Mais les Etats – dont les visions et les intérêts sont parfois divergents - ont craint de risquer de bloquer le processus. Et la CIG devra s’en tenir à ce qui a fait l’objet déjà d’un consensus.

Soyons réalistes. Nous venons de loin. Que les 27 arrivent au but pour 2009, voilà pour l’instant l’essentiel. Parions qu’ils y arriveront. Ensuite, la dynamique de l’Europe sera de nouveau en marche.

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)
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