Logo CDE

Logo Cercle des Européens

Intervention du 14/10/07

L’Europe a de nouveau rendez-vous avec son histoire

Lors du Sommet de Lisbonne des 18 et 19 octobre, les Etats membres de l’Union européenne seront face à leurs responsabilités dans la poursuite de la construction européenne. Certains éléments favorables font penser que le Conseil européen de Lisbonne se conclura positivement. Le traité réformateur a cependant atteint un niveau de flexibilité sans équivalent et cette Europe ne correspond plus totalement en effet à la vision que se faisaient les pères fondateurs.

Chronique publiée dans le journal La Tribune, le 14 octobre 2007

Comme l’histoire leur en a rarement donné l’occasion, les Etats membres de l’Union européenne sont face à leurs responsabilités dans la poursuite de la construction européenne. Car la question qui leur est posée au Sommet de Lisbonne des 18 et 19 octobre est de savoir s’ils sont réellement décidés à faire sortir l’Europe de la crise profonde née du non français puis néerlandais aux référenda sur le traité constitutionnel. Si les Etats approuvent le texte (éventuellement légèrement amendé) de la Conférence intergouvernementale (CIG), il reviendra aux gouvernements concernés de veiller à ce que les ratifications nécessaires aient lieu dans chacun des pays, si possible avant les élections européennes de 2009. S’ils n’arrivent pas à s’entendre sur ce “traité réformateur”, la confiance des Européens en ses institutions en pâtirait suffisamment pour s’inquiéter de son avenir. Nous n’en sommes pas là.

Au moins deux éléments favorables font penser que le Conseil européen de Lisbonne se conclura positivement. D’abord, les gouvernements ont adhéré à la démarche de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merkel consistant à substituer un simple “traité réformateur” à un traité constitutionnel plus ambitieux. A vrai dire, il ne s’agit plus de rassembler les dispositions sur l’Union dans un seul traité entièrement réécrit mais de maintenir, en les amendant simplement, les deux traités existants : l’un “sur l’Union européenne” fixant ses bases institutionnelles et l’autre intitulé désormais “traité sur le fonctionnement de l’Union européenne” sur les modalités d’exercice de ses compétences. De sorte que l’argument du soi-disant caractère incontournable d’un référendum ne vaut plus (sauf en Irlande où il est une exigence constitutionnelle). Le deuxième facteur rassurant tient au fait que les débats sur le futur traité ont déjà eu lieu au sein du Conseil européen et ont conduit à donner à la CIG un mandat contraignant. C’est pourquoi, en dehors de considérations de politique intérieure, le Premier ministre britannique Gordon Brown n’a pas de motifs de brandir la menace d’une opposition à “tout dépassement des lignes rouges” fixées par son pays. Ces lignes ont été tracées à l’occasion de la définition du mandat de la CIG qui les a respectées. Les Etats peuvent donc difficilement refuser un texte qui non seulement améliorera le fonctionnement des institutions de l’Europe, mais qui contribuera également à sa sécurité. Même les Etats les plus soucieux de préserver leur souveraineté devraient approuver sans appréhension le traité réformateur dès lors qu’il consacre de facto une Europe “à géométrie variable” leur permettant de se mettre, plus ou moins provisoirement, en marge du processus d’intégration européenne. On peut le regretter. Cette Europe ne correspond plus totalement en effet à la vision que se faisaient les pères fondateurs d’une communauté dont la règle de base est celle de la majorité. Cette règle demeure la norme que ce soit au Parlement européen, bien sûr, mais même au Conseil.

Mais sa portée est atténuée du fait que le traité réformateur atteint un niveau de flexibilité sans équivalent si on le compare aux précédents. Il systématise le “opt in” et le “opt out”. Il renforce d’abord les “coopérations renforcées” entre les Etats désireux d’agir ensemble (au moins neuf) et crée, dans le domaine de la défense, un cadre de “coopération structurée permanente”. Il avalise ensuite un système “d’opt out”dans le domaine des libertés, de la sécurité et de la justice, le Royaume-Uni, et dans une certaine mesure le Danemark, se voyant reconnaître la possibilité de ne pas participer aux décisions en ce domaine. Enfin, pour la première fois, les Etats sont autorisés à se retirer de l’Union européenne. Ce qui met en lumière le caractère réversible de la construction de l’Europe et donc sa fragilité. Cette fragilité est-elle passagère ? Il y a de bonnes raisons de penser que les Etats ne parviendront pas de sitôt à surmonter toutes leurs divergences. On ne peut qu’en prendre acte. Ce qui implique, pour ceux qui croient l’Europe supérieure à la somme des Etats qui la composent, de se préparer à mettre sans tarder en place les coopérations renforcées ou structurées qu’encourage le traité réformateur. Les opportunités ne manquent pas. On peut citer les coopérations renforcées pour promouvoir la réforme des bases harmonisées de l’impôt sur les sociétés souhaitée par les entreprises ou, en matière de justice, la création d’un parquet financier pour lutter contre la fraude à la TVA intracommunautaire. Ou encore le lancement de coopérations renforcées pour renforcer la sécurité d’approvisionnement énergétique. Comme l’a rappelé Angela Merkel, dans la déclaration de Berlin à l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de Rome, “le monde n’attend pas l’Europe” et l’Europe doit donc accélérer le pas. Tel est le véritable enjeu du prochain Sommet de Lisbonne.

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)
Cercle des Européens

Pour une Europe unie…

Photorama

Partenaires

Copyright ©2024 Cercle des Européens | Tous droits réservés | Mentions légales | Politique de confidentialité | Réalisation inPhobulle

Ce site utilise Google Analytics. En continuant à naviguer, vous nous autorisez à déposer un cookie à des fins de mesure d’audience.