Logo CDE

Logo Cercle des Européens

Intervention du 20/11/07

Le Kosovo et la promesse de l’Europe

Le Conseil européen de la mi-décembre sera celui de la signature du traité. Toutefois il y a toutes bonnes chances pour que ce sujet, si important pour l’avenir de l’Europe, soit éclipsé par celui du Kosovo qui lui est étroitement lié. S’il y avait implosion dans les Balkans, l’Europe serait-elle épargnée ? L’Europe est seule à détenir la solution, sa finalité première est la réconciliation entre les peuples. C’est sa vocation historique.

Chronique parue dans le journal La Tribune, le 20 Novembre 2007

Le Conseil européen de la mi-décembre sera celui de la signature du traité et de l’ouverture de la phase des ratifications dont l’aboutissement sortira l’Europe de la crise institutionnelle. Toutefois il y a toutes bonnes chances pour que ce sujet, si important pour l’avenir de l’Europe, soit éclipsé par celui du Kosovo qui lui est étroitement lié.

La guerre du Kosovo est la dernière que l’Europe ait connue. Elle s’est officiellement achevée lors de l’adoption le 10 juin 1999 de la résolution des Nations Unies plaçant à titre provisoire la région sous administration de la Communauté internationale. Fort de ses 2 millions d’habitants à près de 90% de souche albanaise, le Kosovo est un enjeu pour la stabilité des Balkans où l’Etat de droit, c’est le moins qu’on puisse dire, tarde à s’installer. Il est aussi un enjeu pour l’Union européenne, non seulement du fait du “caractère irréversible” de la réunification du continent incluant les pays de cette région, comme l’a proclamé en 2003 le Conseil européen de Thessalonique, mais aussi du fait qu’il met sérieusement à l’épreuve la cohésion des Européens. C’est la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) – que le futur traité renforce notablement – dont la pertinence et l’efficacité sont mises en question.

Les élections législatives du 17 novembre dernier, en donnant la majorité au PDK (parti démocratique du Kosovo) jusqu’ici dans l’opposition, n’ont pas arrangé la situation. Ce parti et son chef, Hacim Thaci, ancien leader de la guérilla Kosovar albanaise de l’UCK (…), prônent l’indépendance immédiate. Or celle-ci reste inacceptable pour les Serbes qui considèrent le Kosovo, soit 15% de leur territoire, comme le berceau de leur Nation, et qu’ils ne veulent à aucun prix voir devenir un Etat à part entière. Les positions de part et d’autre se sont cristallisées, notamment après la publication du rapport de l’émissaire des Nations Unies, l’ancien Premier ministre finlandais Marrti Athisaari, qui – sans le dire explicitement – conclut en faveur de l’indépendance de l’actuelle province serbe.

Les intéressés ne sont pourtant pas les seules parties prenantes. Les négociations entre Kosovars et Serbes sont conduites sous l’égide d’une troïka formée de l’Union européenne,des Etats-Unis et de la Russie, et dans cette région voisine du Caucase, des relents de guerre froide se font sentir. George W. Bush, premier Président des Etats-Unis à s’être rendu au Kosovo en mai 2007, y a exprimé son souhait d’une indépendance rapide du territoire. Tout en confortant les Serbes et en appuyant les leaders de la République serbe de Bosnie Herzégovine dans leur menace de sécessionnisme, Vladimir Poutine se montre intraitable dans le sens exactement inverse : en cas d’indépendance du Kosovo, il réclamera l’indépendance des provinces géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud où la Russie alimente des troubles.

S’il faut à l’évidence faire une croix sur la remise du rapport de fin de négociations au Secrétaire général des Nations Unies le 10 décembre, faut-il désespérer ? Sans doute non. S’il y avait implosion dans les Balkans, l’Europe serait-elle épargnée ? Certainement non. Car l’Europe est seule à détenir la solution. Son négociateur, le diplomate Wolfgang Ishinger fait un remarquable travail. Il promeut l’idée, jadis éprouvée par lui en tant qu’allemand, d’un traité de coopération entre deux entités qui ne se reconnaissent pas mutuellement. Ce qui avait permis aux deux Allemagnes de vivre côte à côte en préservant leurs intérêts communs pour le long terme. La solution est ambiguë, mais elle ménage l’avenir. Pour qu’elle ait la moindre chance de prospérer, des conditions préalables sont à remplir et elles sont européennes. Il faut avant tout que les 27 Etats membres s’accordent à l’unanimité sur une solution. Or si les plus grands Etats admettent l’indépendance du Kosovo comme inéluctable, d’autres comme Chypre, la Grèce, la Roumanie ou la Hongrie, n’y sont pas prêts. La deuxième condition pour éviter le drame, c’est que ces Etats observent une attitude “d’abstention constructive” au cas où les leaders Kosovars proclamaient unilatéralement, comme ils l’annoncent, l’indépendance de la province.

L’Europe n’a donc pas perdu sa finalité première de réconciliation entre les peuples. C’est sa vocation historique. La Slovénie, dont les dirigeants ont été assez intelligents lors du déclenchement de la guerre des Balkans pour négocier en quelques jours leur sortie du conflit, prennent les rênes de l’Union le 1er janvier 2008. Le pays est bien placé pour conduire les travaux du Conseil européen et garantir la cohésion des 27 sur ce dossier. Si c’est le cas, l’Europe aura démontré qu’entre le communisme et le nationalisme, les peuples du continent ont le choix de la voie de la démocratie et de la paix.

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)
Cercle des Européens

Pour une Europe unie…

Photorama

Partenaires

Copyright ©2024 Cercle des Européens | Tous droits réservés | Mentions légales | Politique de confidentialité | Réalisation inPhobulle

Ce site utilise Google Analytics. En continuant à naviguer, vous nous autorisez à déposer un cookie à des fins de mesure d’audience.