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Intervention du 21/12/07

L’Europe se bâtit sur le socle du marché

La signature du traité de Lisbonne marque une relance de l’Europe dont on peut se féliciter. Dans le cadre de la gouvernance économique de la zone euro et l’institutionnalisation de l’Eurogroupe par nouveau traité, l’initiative de Gordon Brown, visant à évoquer à Londres, en janvier, la régulation des marchés est un signe positif vers la consolidation des "solidarités de fait" entre Etats qui, de puis l’origine, sont à la base de la construction européenne. Car l’Europe politique continuera de se bâtir sur le marché.

Chronique parue dans le journal La Tribune, le 21 décembre 2007

Il y a un peu plus de deux ans, l’Europe était plongée dans la crise. Le double non aux référendums français et néerlandais semblait avoir annihilé toute velléité de refondation de la construction européenne sur la base élargie d’un continent réunifié. Au son de l’hymne européen, l’Europe s’est réveillée un jeudi 13 décembre 2007. La signature ce jour-là à Lisbonne par les vingt-sept Etats membres du traité "réformateur" a entamé un processus de ratification qui connaît déjà un rythme accéléré.

En France, le vote du congrès sur les éventuelles modifications nécessaires de la Constitution est prévu dès le 3 février. Et la Hongrie a déjà soumis à son parlement une loi de ratification votée à la quasi-unanimité (moins cinq voix) le 18 décembre. Une large majorité de ratifications devrait pouvoir être acquise lors du référendum irlandais programmé pour mai-juin 2008.

Sauf en Irlande, en raison d’exigences constitutionnelles, et peut-être au Portugal, aucun dirigeant européen ne veut recourir à la procédure référendaire. Car, dorénavant, les choses sont claires : les partisans du référendum ne sont autres que les opposants au traité.

Parmi les leaders européens, le Premier ministre britannique est apparemment le seul à ne pas revendiquer le traité comme le fruit certes imparfait, mais finalement heureux, d’une oeuvre véritablement collective. Son arrivée pour signer le texte à la sauvette trois heures après la cérémonie officielle a fait jaser plus d’une gazette dans le landerneau européen. Pour autant, Gordon Brown est bien venu à Lisbonne et le traité a été dûment signé par l’ensemble des Vingt-Sept.

Pas plus la France après le désastre de mai 2005 que ses autres partenaires, dont chacun fait face à ses propres difficultés internes, n’ont de leçon à donner au gouvernement britannique. Il n’en est pas moins vrai qu’une distance se creuse avec le Royaume-Uni qui n’appliquera pas des pans entiers du traité : la politique monétaire aujourd’hui, et demain la charte, mais aussi la coopération policière et judiciaire ainsi que la politique d’asile et d’immigration.

On comprend la réserve des dirigeants d’un Etat où les tabloïds de Rupert Murdoch se livrent à une désinformation dont l’efficacité est bien plus redoutable encore que tous les contresens soutenus durant la campagne référendaire de 2005 en France. La façon dont les tabloïds rendent compte des dispositions nouvelles du traité a de quoi alarmer une opinion publique déjà inquiète de l’évolution de l’intégration européenne. Le traité sonnerait le glas de la justice britannique et de l’indépendance du pays, le conduirait à renoncer à son siège au Conseil de sécurité de l’ONU et, in fine, provoquerait purement et simplement la ruine de la City, le joyau de la finance internationale...

Toutefois la crise du crédit hypothécaire américain et ses conséquences sur les marchés financiers mondiaux pourraient conduire les Britanniques à reconsidérer leur attitude vis-à-vis de l’Europe. Cette crise a obligé les banques centrales à intervenir massivement pour injecter des liquidités dans le système bancaire, d’abord de façon dispersée, puis en se concertant entre elles. Le moins que l’on puisse dire est que l’exclusion du Royaume-Uni de la zone euro ne l’a nullement protégée. Après la faillite de la banque Northern Rock, la Banque d’Angleterre a été très critiquée car il en a coûté beaucoup au contribuable britannique.

La Banque centrale européenne, qui s’appuie sur la remontée d’informations provenant des banques nationales des pays ayant l’euro en partage, a pris quant à elle le leadership et ses méthodes d’intervention ont été imitées par les autres établissements centraux en Europe et en Amérique du Nord. Cela n’a pas à ce jour été suffisant pour rétablir la confiance indispensable entre établissements financiers, mais le regard porté au Royaume-Uni sur l’Europe pourrait peut-être légèrement changer.

L’opinion pourrait envisager plus positivement l’avantage que constitue l’amorce d’une gouvernance économique de la zone euro avec l’institutionnalisation de l’Eurogroupe par le nouveau traité. C’est en tous les cas le message qui transparaît à travers l’initiative prise par le Premier ministre Gordon Brown en invitant la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Nicolas Sarkozy, pour évoquer ensemble à Londres en janvier la régulation des marchés.

Cette démarche démontre, s’il en était besoin, tout l’intérêt d’une gouvernance de l’économie européenne pour consolider les "solidarités de fait" entre Etats qui, de puis l’origine, sont à la base de la construction européenne. Car l’Europe politique continuera de se bâtir sur le marché.

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)
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