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Intervention du 25/01/08

L’harmonisation fiscale, un levier de croissance

L’harmonisation des systèmes nationaux de fiscalité des entreprises est un levier important de la compétitivité européenne. Noëlle Lenoir, ancien ministre, présidente de l’Institut d’Europe d’HEC et du Cercle des Européens, plaide pour une assiette commune consolidée pour les entreprises des pays membres de l’Union.

Chronique parue dans le journal La Tribune, le 25 janvier 2008

Au moment où l’on débat des mesures à prendre pour la libération de la croissance française à propos des conclusions du rapport de la commission Attali, on peut s’étonner que l’accent ne soit pas mis sur les leviers européens de cette croissance. En effet, le développement économique de notre pays dépend largement de la capacité des entreprises à se déployer sans entraves sur un marché intérieur en réalité devenu leur marché domestique.

Parmi les leviers les plus importants de la compétitivité du site Europe dans lequel s’insère la France figure l’harmonisation des systèmes nationaux de fiscalité des entreprises. Cette harmonisation, qui laisserait entière la liberté des Etats de fixer le taux d’imposition, prendrait la forme d’une "assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés".

Cette réforme - connue sous le sigle Accis - est à l’étude de longue date au niveau de la Commission européenne. Elle a été relancée par le Conseil européen lors de l’adoption, en 2000, de la stratégie de Lisbonne destinée à faire de l’Union européenne "l’économie de la connaissance la plus compétitive au monde". Ses contours ont été précisés par diverses communications de la Commission européenne (la dernière datant de mai 2007) et, en principe, une proposition de directive sera présentée sous présidence française de l’Union, fin 2008. La Commission part d’un double constat. Premièrement, l’hétérogénéité des vingt-sept systèmes d’impôts sur les sociétés pénalise les entreprises du fait des coûts de mise en conformité avec ces législations disparates, de la persistance des doubles impositions (bien que condamnées par l’arrêt Marks & Spencer de la Cour de justice européenne de décembre 2005) dues aux conflits de compétence fiscale, et surtout en raison de l’interdiction de compenser les pertes subies par des filiales installées dans d’autres Etats membres. La complexité résultant de la coexistence des régimes nationaux de fiscalité des entreprises encourage, plus qu’elle ne dissuade, le dumping fiscal que déplore la France.

Le second constat a trait aux transformations induites par l’apparition du commerce électronique et l’internationalisation des entreprises à travers les fusions-acquisitions et aux conséquences qui doivent en être tirées quant à la convergence des régimes d’imposition des entreprises européennes.

La mise en place d’Accis n’est techniquement pas aisée. Il faut d’abord déterminer les normes fiscales communes servant de base au calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés dans tous les Etats membres, et redéfinir la relation entre la comptabilité légale d’une société et sa comptabilité fiscale. Il faut ensuite instituer un système de répartition fiscale entre Etats membres qui garantisse à chacun les recettes attendues en fonction du taux d’imposition qu’il a fixé. Enfin, il faut décider de l’opportunité ou non de l’instauration d’un "guichet unique" pour traiter de l’imposition de tout un groupe dans l’espace européen. Accis se heurte également à des difficultés politiques. Des pays comme l’Irlande, la Slovaquie ou encore Chypre et Malte, craignant qu’Accis ne serve de "cheval de Troie" (selon l’expression du Premier ministre irlandais) de l’harmonisation des taux, se sont prononcés contre la réforme soutenue en revanche par la France et l’Allemagne. Or, aucune réforme fiscale ne peut être adoptée sinon à l’unanimité des Etats membres.

Comme le préconise le parlement européen, c’est l’occasion de mettre pour la première fois en oeuvre la procédure des coopérations renforcées : la coopération renforcée, déjà prévue par le traité de Nice en vigueur, et dont la portée est étendue par le traité de Lisbonne, permet à un groupe d’Etats, en attendant de convaincre leurs partenaires réticents, de mettre en oeuvre entre eux une réforme. Celle-ci est urgente.

La mise en place d’Accis, tout en facilitant le déploiement des entreprises en Europe, assurerait transparence et comparabilité de la pression fiscale réelle pesant sur les entreprises, et vraisemblablement permettrait à la France d’afficher un taux nominal réduit. En mai 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre des Finances, a écrit avec son collègue allemand de l’époque une lettre à la Commission européenne lui demandant de déposer rapidement des propositions concrètes visant à créer des bases communes d’imposition.

L’assiette commune consolidée va plus loin. Sa portée peut se révéler presque aussi majeure que celle de la création de l’euro. Elle fait partie de ces grands projets que la présidence française de l’Union européenne devrait promouvoir comme levier de la croissance.

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)
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