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Intervention du 4/06/08

Bien désigner les poids lourds de l’Europe de Lisbonne

Au menu de la présidence française de l’Union européenne, ne figurent pas seulement des dossiers thématiques tels que l’énergie, l’environnement, l’immigration, l’économie ou la défense. Durant ces six mois, la France présidera à la préparation des nominations aux quatre postes clés de l’Europe issue du traité de Lisbonne. Deux de ces postes sont nouveaux - le Président du Conseil européen et le Haut Représentant de l’Union pour les Affaires Etrangères et la Politique de Sécurité.

L’enjeu est de taille. Ces désignations détermineront le nouvel équilibre politique au sein des institutions européennes.

Chronique parue dans le journal La Tribune, le 4 juin 2008

Le fonctionnement de l’Europe élargie à l’échelle du continent dépendra entièrement de la plus ou moins bonne articulation entre ces institutions qui, n’ayant d’équivalent dans aucune autre organisation politique, doivent constamment inventer leur manière de travailler ensemble.

La présidence française est confrontée à trois questions à régler avant l’entrée en vigueur du traité. Outre le choix du timing des désignations à opérer, soit à partir de janvier, soit après les élections européennes de juin 2009, il faut définir les pouvoirs et moyens à mettre à disposition des quatre autorités (en particulier, Président du Conseil et Haut Représentant) et les modalités les plus appropriées pour désigner the right person at the right place.

Si le processus de ratification continue à son rythme, et si le référendum irlandais du 12 juin est positif, le traité de Lisbonne pourra entrer en vigueur à l’heure dite, au premier janvier 2009. Tous les détails de la nouvelle architecture institutionnelle ne sont pas pour autant précisés. Un Sommet européen est prévu en décembre pour discuter de la nouvelle fonction de Président du Conseil. Le Sommet des 19 et 20 juin prochain devrait clarifier le positionnement du futur « service européen d’action extérieure » (SEAE) à disposition du Haut Représentant. Fort de plusieurs centaines de diplomates de toutes les nations de l’UE, ce service formera des missions de représentations dans plus de cent pays. La présidence française aura aussi à coordonner les négociations sur l’éventuel rattachement au Haut Représentant des structures politico-militaires de l’Union.

La plus grande inconnue reste la place effective que tiendra le Président du Conseil. Paradoxalement, il est censé être le « Monsieur » ou la « Madame » Europe, mais il n’a ni le statut, ni les moyens du Haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union. Le contraste est saisissant. Tous deux occuperont des postes à temps plein et seront désignés par la majorité qualifiée du Conseil européen (pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une seule fois, pour le Président du Conseil, et pour cinq ans pour le Haut Représentant) Mais le Président du Conseil n’aura ni services ni budget spécifiques, alors que le Haut Représentant, émanation du Conseil et vice-Président de la Commission à la fois, disposera d’un service diplomatique étoffé et d’un budget de plusieurs milliards d’euros. En outre, du fait de sa « double casquette », le Haut Représentant bénéficiera à travers son appartenance à la Commission de l’onction du Parlement, une source de légitimité qui le rapproche du Président de Parlement européen et du Président de la Commission que le traité de Lisbonne fait élire directement par le Parlement sur proposition du Conseil européen.

Le Président du Conseil européen qui « assure la représentation extérieure de l’Union » et le Haut Représentant, président du Conseil des Affaires étrangères, devront nécessairement s’entendre si l’on veut que l’Europe soit un acteur cohérent sur la scène internationale. Avec un Président du Conseil représentant la permanence de la volonté politique des Etats, un Haut Représentant doté d’une logistique conséquente, un Président du Parlement européen bénéficiant du formidable accroissement des pouvoirs de cette assemblée, et un Président de la Commission conforté dans son leadership de l’institution, l’Europe se dirige vers une plus grande personnalisation du pouvoir. Ce qui est un bon moyen d’améliorer sa visibilité.

Pour autant, faut-il “présidentialiser” la désignation des poids lourds sur les épaules desquels repose le bon fonctionnement de l’Europe ? Des propositions en ce sens ont été faites. Il s’agirait de soumettre à une campagne auprès de l’opinion, via des débats et auditions télévisés, les candidatures aux postes de Président du Conseil et de Président de la Commission. Pour séduisant qu’il soit, un tel système n’est pas adapté à la physionomie de l’Europe d’aujourd’hui. Il pourrait même aller à l’encontre du but de démocratisation recherché. Comment cette procédure garantirait-elle la diversité indispensable des quatre titulaires concernés, qui devront compter au moins une femme et provenir de différentes sensibilités politiques et de différents pays ? Ensuite et surtout, politiser des nominations n’est pas une fin en soi. Et ici, elle risque d’entretenir la confusion des esprits en sur valorisant les fonctions de Présidents du Conseil et de la Commission qui ne sont pourtant pas semblables à celle de Président ou de Premier ministre d’un Etat. Appeler “Constitution” le traité constitutionnel européen a été une erreur, laisser penser que le Président du Conseil est un “Président de l’Europe” en serait une autre.

S’il fallait comparer la gouvernance politique européenne à celle d’un Etat, on ne pourrait que constater que l’Europe s’oriente vers un régime parlementaire plus que présidentiel. Prenons- en acte. Faisons confiance aux institutions ! C’est à elles - essentiellement au Conseil européen et au Parlement européen - de s’accorder sur les meilleurs candidats, les plus représentatifs, éthiques et compétents possibles, tout en respectant un certain équilibre politique, géographique et de genre. Après tout, il n’y a rien d’antidémocratique à faire preuve de pragmatisme !

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)
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