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Dans cette tribune publiée dans le magazine L’Express du 28 juillet 2011, Noëlle Lenoir revient sur le scandale grandissant autour des conditions d’arrestation et de détention de Mikhail Khodorkovsky. Suite à la condamnation unanime de la CEDH, elle espère un changement d’attitude des dirigeants russes.
Gracier Khodorkovsky, pour que le Conseil des droits de l’homme du Kremlin, peu réputé pour son indépendance, en vienne à le préconiser, comme il l’a fait le 7 juillet, il faut vraiment que les poursuites diligentées contre ce dernier fassent scandale même en Russie ! Il est vrai que l’arrêt de la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) du 31 mai dernier condamnant à l’unanimité la Russie pour détention arbitraire de l’ancien Président de Yukos et de son adjoint Platon Lebedev et pour les traitements inhumains et dégradants subis par eux, n’est pas passé inaperçu.
Si les démocrates de tous les pays se sont réjouis de cet arrêt, ils ont cependant regretté que la CEDH ne soit pas allé au bout de son raisonnement et ait refusé d’admettre la motivation politique de ces poursuites dirigées contre celui qui est devenu l’un des détenus les plus célèbres de la planète. Pourtant les circonstances de l’arrestation de Khodorkovsky après qu’il ait osé évoquer devant Vladimir Poutine la corruption endémique qui a cours en Russie, auraient permis de faire ce pas. Et ce, d’autant que la série de "crimes économiques" dont l’intéressé est accusé se fondent sur des bases fantaisistes.
Soyons clairs : La CEDH ne conteste pas l’appréciation portée sur l’affaire Yukos par certaines juridictions nationales, telles que les Cours suprêmes de Chypre et de Suisse qui ont retenu le mobile politique du gouvernement russe. Mais elle fait valoir qu’à son niveau, le standard de preuve est plus élevé et qu’au regard de ce standard Khodorkovski n’apporte pas la preuve certaine d’un tel mobile.
A voir la réaction des autorités russes, on comprend ce bémol. Dès la publication de l’arrêt du 31 mai, le speaker de la Douma d’Etat et membre de "Russie Unie", le parti de Vladimir Poutine, déposait une proposition de loi pour limiter l’impact des arrêts de la CEDH. Il s’agirait rien moins que d’obliger les tribunaux russes à obtenir l’aval de la Cour constitutionnelle pour pouvoir tenir compte des arrêts de la CEDH !
La Russie peut-elle continuer à multiplier ainsi les atteintes à l’état de droit alors qu’en frappant à la porte de l’OMC, elle prétend être un partenaire fiable garantissant aux investisseurs la sécurité juridique dont ils ont besoin ? Vladimir Poutine dans la perspective de sa candidature probable à la présidence de la Russie, a-t-il intérêt à se diaboliser face à l’opinion publique internationale ?
Car cette opinion se mobilise. La récente condamnation qui a prolongé de quelques années l’embastillement de Khodorkovsky et Lebedev en Sibérie a été qualifiée "d’absurde et grotesque" par un grand hebdomadaire britannique. L’opinion publique russe elle-même a évolué, étant maintenant convaincue des arrière-pensées politiques du gouvernement.
Et puis, il y a les changements à l’œuvre dans le monde. Les révolutions arabes ont montré que les peuples – en dépit de l’absence de traditions démocratiques de leur pays – aspirent un jour ou l’autre à la liberté. Cette liberté - dont Vassili Grossman a dit qu’elle "est invincible,… peut être écrasée, mais ne peut être anéantie" - ne peut pour un Etat qui se veut puissance mondiale, être uniquement économique. Elle doit être également politique.
En son temps, Boris Eltsine a eu le mérite de faire entrer la Russie au Conseil de l’Europe en reconnaissant la compétence de la CEDH. Aujourd’hui, le gouvernement russe a l’occasion de redorer son image en sortant du cycle répressif dans lequel il est entré. Pour parler franc, Vladimir Poutine s’honorerait aux yeux du monde entier en laissant le Président Medvedev tirer les conséquences de l’arrêt de la CEDH et libérer enfin Khodorkovsky et Lebedev !
https://twitter.com/noellelenoir
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