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Jacques Delors, ancien Président de la Cmmission européenne (1985-1995), Jerzy Buzek, Président du Parlement européen et Lothar de Maizière, ancien Premier ministre de la RDA (mars 1990 – octobre 1990), lors de la séance commémorative du 20ème anniversaire de la réunification allemande, qui s’est tenue au Parlement européen, le 7 octobre 2010.

 

Lors de son discours prononcé devant le Parlement européen à l’occasion du 20ème anniversaire de la réunification allemande, l’ancien Président de la Commission européen s’est interrogé sur la "vision européenne" de l’Allemagne d’aujourd’hui et plus généralement l’avenir de l’Europe.

Le Parlement européen a célébré le 20ème anniversaire de la réunification allemande, lors d’une séance solennelle, le 7 octobre 2010. Le Président du Parlement européen, Jerzy Buzek, a réuni à cette occasion deux acteurs majeurs de cette période, Jacques Delors, Président de la Commission européenne de 1985 à 1994 et Lothar de Maizière, qui en tant que premier chef de gouvernement de la RDA démocratiquement élu (le 18 mars 1990) a conduit les négociations de réunification avec son homologue de l’Ouest, le Chancelier Helmut Kohl.

Unification allemande - Repères chronologiques

  • 9 novembre 1989 : Chute du Mur de Berlin.
  • 28 novembre 1989 : Helmut Kohl présente devant le Bundestag un plan en dix points pour unifier l’Allemagne.
  • 8-9 décembre 1989 : Conseil européen de Strasbourg. Face à la situation en RDA, les Douze déclarent : "Nous recherchons le renforcement de l’état de paix en Europe dans lequel le peuple allemand retrouvera son unité à travers une libre autodétermination."
  • 18 mars 1990 : Premières élections libres en RDA, remportées par le Parti chrétien-démocrate de Lothar de Maizière qui se prononce en faveur d’une Allemagne unie, membre de l’OTAN et de la CEE.
  • 28 avril 1990 : Conseil européen extraordinaire de Dublin consacré à la réunification. Dans les conclusions, les Douze affirment : "La Communauté se félicite vivement de l’unification allemande. Elle envisage favorablement la contribution positive et fructueuse que tous les Allemands pourront apporter après l’intégration prochaine du territoire de la République démocratique allemande à la Communauté. "
  • 1er juillet 1990 : Entrée en vigueur de l’Union économique et monétaire entre la RFA et la RDA.
  • 31 août 1990 : Signature du traité d’unification entre la RFA et la RDA à Berlin-Est.
  • 12 septembre 1990 : Signature des accords 2+4.
  • 3 octobre 1990 : "Journée de l’unité allemande".

Un hommage au Parlement européen

Organisée dans l’ancien hémicycle du Parlement européen (de 1977 à 1999 le Parlement européen tenait ses séances plénières dans le Palais de l’Europe, au siège du Conseil de l’Europe, avant d'établir son propre siège dans le bâtiment Louise Weiss), cette séance a été l’occasion de rendre hommage au rôle de l’Assemblée qui, alors présidée par Enrique Baron Crespo, a accompagné et soutenu de façon très active le processus d’unification allemande. Contrastant avec les hésitations de certains Etats membres face aux perspectives ouvertes par la chute du Mur de Berlin, les députés européens ont en effet très vite plaidé en faveur de la réalisation de l’unification allemande. "Au sein de la Communauté européenne, on se posait beaucoup de questions en présence de ce décor radicalement nouveau", a rappelé Jacques Delors dans son discours. "La question allemande, pourquoi le cacher, était la préoccupation majeure. Quel destin allait choisir la grande Allemagne ?" Outre la question du nouvel équilibre de puissance né de l’intégration d’une Allemagne unie au sein de la CEE, certains craignaient que l’Allemagne ne choisisse de se tourner vers l’Est. D’autres estimaient par ailleurs que les événements à l’Est allaient nécessairement entrainer une pause dans l’intégration européenne, qui connaissait alors une phase cruciale avec la mise en œuvre de l’Acte unique et le lancement de l’Union économique et monétaire. "Le Parlement européen fut également très attentif et très actif. Ses débats étaient le reflet des questions posées par l’avenir de l’Allemagne et par le risque de voir ralentir l’effort d’intégration européenne", a ajouté Jacques Delors avant de saluer le travail effectué par la Commission temporaire sur l’unification allemande du Parlement, créé en janvier 1990 : "Cette commission composée de personnalités de grande expérience contribua efficacement à lever les doutes et à préparer l’intégration des Länder de l’Est. Rappelons-le pour les plus sceptiques de tous bords." Lui-même député européen de 1979 à 1981, il a ensuite ajouté : "Grâce au Parlement européen, la démocratie pluraliste et vivante n’est pas un concept vain, mais bien une réalité".

L’unification allemande, un processus indissociable de l’intégration européenne

Cette séance plénière avait une dimension symbolique. C’est en effet à cette même tribune, que François Mitterrand, Président de la République française et Président en exercice du Conseil, et Helmut Kohl, Chancelier de la RFA, prononcèrent le 22 novembre 1989, soit quelques jours après la chute du Mur de Berlin, deux discours majeurs présentant aux parlementaires européens les conséquences et les perspectives ouvertes par les événements à l’Est. Le Président français avait alors théorisé le "binôme indissociable" que devait former le diptyque "approfondissement /élargissement" - l’approfondissement de l’intégration européenne et l’ouverture à l’Est - : "Je suis convaincu, je vous l’ai dit déjà dit, que l’existence d’une Communauté forte et structurée est un facteur de stabilité et de réussite pour l’ensemble de l’Europe. Nous devons donc affirmer notre identité à nous, Communauté, confirmer notre détermination, renforcer nos institutions, sceller notre union. C’est cela la première leçon que je retiens, moi, car il ne me paraît pas qu’il y ait d’autre alternative entre l’ouverture à l’Est et l’achèvement de l’édifice communautaire. Les deux démarches vont de pair. Je vous l’ai dit et j’insiste, elles se complètent". L’appel dans son discours à la construction d’une "union politique", rencontra immédiatement le soutien du Président de la Commission européenne, Jacques Delors, qui voyait dans cette nouvelle phase de la construction européenne, l’occasion de relancer l’option fédérale et mettre en place "les contours d’une fédération des Douze" (discours devant le Parlement européen, le 17 janvier 1990).

S’adressant à travers les députés européens à tous les Etats membres, le Chancelier Helmut Kohl venait quant à lui apporter des garanties de l’ancrage de la RFA au sein de la Communauté : "A tous ceux qui douteraient de l’attitude de la République fédérale d’Allemagne, je dis clairement : le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne respectera entièrement les engagements et les objectifs de l’Acte Unique. Elle confirme son adhésion à l’Union européenne. Pour nous, il n’y a d’autre choix que la poursuite et le renforcement du processus de l’unification européenne." Les professions de foi européennes du Chancelier allaient alors de pair avec sa volonté – non encore déclarée - de réaliser au plus vite l’unification de l’Allemagne. "Après presque trois décennies de séparation, les Allemands célèbrent les retrouvailles, la parenté et l’unité. La division de l’Allemagne a toujours été l’expression visible et douloureuse de la division de l’Europe. Inversement, l’unité de l’Allemagne ne pourra s’accomplir qu’au prix d’une plus grande unité de notre vieux continent. La politique allemande et la politique européenne sont indissociables. Il s’agit des deux côtés d’une même médaille." Une semaine plus tard (le 28 novembre) et à la grande surprise de ses partenaires européens, Helmut Kohl présentait devant le Bundestag un plan en dix points en vue de réaliser l’unité allemande.

Si les mois qui suivirent la Chute du Mur donnèrent lieu à des tensions au sein du couple franco-allemand, François Mitterrand et Helmut Kohl ne tardèrent pas à concrétiser la convergence de vue qui s’était dégagée devant le Parlement européen le 22 novembre. La veille du Conseil européen extraordinaire de Dublin, le 28 avril 1990, qui acta la réalisation de l’unification allemande "sous un toit européen", le Président français et le Chancelier allemand demandèrent formellement la convocation d’une conférence intergouvernementale sur l’union politique. Rappelons qu’en décembre 1989, à Strasbourg, les Douze avaient décidé de convoquer une telle conférence sur l’Union économique et monétaire (présentée dans le rapport du "comité Delors"). Le second Conseil européen de Dublin des 25 et 26 juin 1990, entérina l’initiative franco-allemande et lia les deux processus de réformes, l’un économique, l’autre politique. La perspective de l’unité allemande avait donc entrainé une formidable accélération de l’intégration européenne. Non seulement la mise en œuvre de l’Acte unique et de l’Union économique et monétaire se poursuivaient, mais la Communauté entamait une transformation en profondeur de ses structures et de sa nature même. D’une entité essentiellement économique, la Communauté évoluait vers une union politique. Le 10 décembre 1991, le Douze signaient le traité de Maastricht qui donna naissance à l’Union européenne.

Quel avenir pour l’Europe ?

C’est au regard de ce "saut politique" franchi par une Europe en plein bouleversement que l’ancien Président de la Commission s’est interrogé sur la situation présente : "Vingt ans plus tard, alors qu’au-delà de la crise financière, l’aventure européenne suscite bien des interrogations, les vingt-sept pays sont devant une responsabilité historique : approfondir l’intégration européenne, ou bien vivre au jour le jour, grâce à des compromis certes nécessaires, mais non porteurs d’avenir."

Alors que 20 ans auparavant, les choix politiques des dirigeants allemands avaient conditionné les évolutions de l’intégration européenne, Jacques Delors a questionné le positionnement actuel de l’Allemagne : "En ce jour où nous célébrons avec joie la réunification allemande, comment ne pas questionner ce pays sur sa vision de l’avenir européen." Cette déclaration lourde de sens intervient après les critiques adressées à la Chancelière Angela Merkel et plus généralement à la classe politique allemande pour leur gestion - jugée égoïste par certains - de la crise grecque. L’Allemagne se voit également reprocher son modèle économique. Basé sur les exportations et sur une politique de modération salariale, le développement économique de l’Allemagne se ferait au détriment de ses partenaires européens. Le positionnement de l’Allemagne, en Europe la montre aujourd’hui soucieuse de faire primer ses intérêts nationaux sur l’intérêt européen. A travers l’exemple de l’Allemagne c’est plus généralement l’engagement de l’ensemble des Etats membres et de leurs dirigeants que Jacques Delors a remis en cause : "Nulle nostalgie dans ces propos, mais l’appel d’un militant de l’Europe, parmi d’autres, qui s’adresse aujourd’hui à l’Allemagne, dont nous fêtons la réunification, mais qui vaut pour tous les pays membres. Les valeurs que nous ont léguées les pères de l’Europe sont-elles toujours présentes, dominantes ? L’héritage qui nous a été transmis porte avant tout sur le "pourquoi voulons nous être ensemble ?" plus que sur les traités et nécessaires arrangements institutionnels."

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