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Catherine Ashton, Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et Mohamed Ghannouchi, Premier ministre tunisien, à la tête du gouvernement provisoire d’unité nationale, suite à la chute du Président Ben Ali, le 15 janvier 2011. © Union européenne

 

Face à la "révolution de Jasmin" en Tunisie, fin décembre 2010, l’Union européenne avait été critiquée pour son immobilisme. Aussi la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, a-t-elle décidé de se rendre à Tunis, le 14 février 2011, un mois après la fuite du Président Zine el Abidine Ben Ali, sous la pression de la rue.

Une visite de soutien à la transition démocratique de la Tunisie

Face à la "révolution de Jasmin" en Tunisie, fin décembre 2010, l’Union européenne avait été critiquée pour son immobilisme. Aussi la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, a-t-elle décidé de se rendre à Tunis, le 14 février 2011, un mois après la fuite du Président Zine el Abidine Ben Ali, sous la pression de la rue. Venue soutenir le processus de transition démocratique à l’occasion d’une rencontre avec le Premier ministre tunisien Mohamed Ghannouchi, Catherine Ashton a également du apaiser les tensions nées de l’afflux d’immigrés tunisiens sur l’île italienne de Lampedusa.

Les relations UE – Tunisie en quelques dates

- 1969 Signature du 1er accord commercial entre la CEE et la Tunisie

- 1976 Etablissement des relations diplomatiques et signature d’un accord de coopération

- 1995 La Tunisie, premier pays du sud de la Méditerranée à signer un Accord d’Association avec l’UE. Accord signé dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen, dit "processus de Barcelone" (remplacé en 2007 par l’Union pour la Méditerranée)

- 1998 Entrée en vigueur de l’Accord d’Association qui régit l’ensemble des relations bilatérales UE-Tunisie.

- 2005 Elaboration du Plan d’action UE-Tunisie dans le cadre de la politique de voisinage

- Mai 2011 Ouverture des négociations en vue de l’obtention par la Tunisie du "statut avancé" qui permet d’intensifier le dialogue politique et les relations commerciales

L’Union européenne et ses Etats membres coupables d’aveuglement ?

La révolte populaire qui a embrasé la Tunisie et provoqué la chute du régime du Président Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans (élu en 1994 avec 99,9% des voix, réélu en 1999 avec 99,4% et en 2009 avec 89,6%, Ben Ali avait fait voté en 2002 une réforme constitutionnelle abolissant la limitation de mandats présidentiels), a soulevé une question de fond : Comment l’Union européenne et ses Etats-membres ont-ils pu à ce point fermer les yeux face aux dérives dictatoriales du régime et n’ont nullement mesuré la colère du peuple, se contentant de vanter le "miracle économique tunisien" (une formule surtout martelée par l’Agence tunisienne de communication extérieure - liée au pouvoir et exerçant une censure des médias étrangers, dissoute le 26 janvier - afin de vanter les performances économiques du régime Ben Ali à l’étranger. La croissance qui avoisine les 4% ces dernières années, pourrait s’élever selon une étude de la Banque mondiale à 6 ou 7% sans les pratiques kleptomanes de la famille Ben Ali), un miracle qui n’a pas loin s’en faut bénéficié à toute la population ? . D’un côté la France, premier partenaire commercial de la Tunisie, semblait se suffire de l’ouverture et de la croissance économiques comme facteur de progrès des libertés, alors que les militants des droits de l’homme demandaient la protection de notre pays . De l’autre, l’Union européenne, tout en faisant de la démocratie et l’Etat de droit un point important de son partenariat avec la Tunisie (dans le cadre du processus de Barcelone et du Plan d’action de 2005 ), se contentait de paroles sans exiger la réalisation de quelconques conditionnalités. Chacun voyait surtout en Ben Ali un rempart contre l’islamisme.

De la révolution de Jasmin à la chute de Ben Ali, les hésitations de l’UE

Chômage élevé (15% dans l’ensemble de la population et 30% chez les jeunes), fortes inégalités sociales, bas salaires, confiscation des richesses par le clan familial au pouvoir, clientélisme, privation de libertés, étouffement de toute opposition politique, violences policières, concentration des pouvoirs : la révolution de Jasmin mêle à la fois revendications sociales et aspirations démocratiques.

Elle commence le 17 décembre 2010 avec l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes qui s’était vu confisquer sa marchandise par la police. Suite à ce geste de désespoir, débute un mouvement social dans la région de Sidi Bouzid (centre-ouest) contre le chômage et la vie chère. La répression de la police qui tire à balles réelles sur la foule fait ses premiers morts le 24 décembre. Le mouvement s’amplifie et la répression d’une nouvelle émeute le 10 janvier fait une vingtaine de morts (il y en aurait eu 66 en un mois selon les organisations de défense des droits de l’Homme). La France ne prend pas position et il a même été reproché à la Ministre française des Affaires étrangères d’avoir proposé à la Tunisie de bénéficier "du savoir-faire des forces de sécurités françaises pour régler des situations sécuritaires de ce type".

Catherine Ashton fait sa première déclaration publique ce 10 janvier, pour exprimer "sa préoccupation face aux événements en cours en Tunisie" et recommander "un usage restreint de la force et le respect des libertés fondamentales". La crise politique est pourtant telle que le Ministre tunisien de l’Intérieur est limogé et que dans une troisième intervention télévisée, le Président Ben Ali promet de quitter le pouvoir en 2014... C’est dans une seconde déclaration le 14 janvier, alors que de violents heurts ont lieu à Tunis entre les policiers anti-émeute et les manifestants, que la Haute représentante de l’UE s’engage : "Nous voulons exprimer notre soutien au peuple tunisien et notre reconnaissance à ses aspirations démocratiques (…). Le Dialogue est clé. Nous réitérons notre engagement aux côtés de la Tunisie et de son peuple et notre volonté de trouver une solution démocratique durable à la crise en cours". Le soir même, les autorités tunisiennes annoncent que Ben Ali a quitté le pouvoir. Pour la première fois dans le monde arabe moderne, un mouvement populaire a renversé un régime autoritaire.

Un communiqué de l’Elysée indique alors "prendre acte de la transition constitutionnelle" en affirmant l’attachement de la France "au dialogue" seul capable d’"apporter une solution démocratique à la crise actuelle". Il aura fallut attendre le 31 janvier pour que les 27 se réunissent en Conseil Affaires étrangères pour adopter leur première position commune : "Le Conseil salue le courage et la détermination du peuple tunisien et sa lutte pacifique pour ses droits et ses aspirations démocratiques. Il regrette la violence de la répression et les pertes de vies humaines pendant les événements récents. Il réaffirme sa pleine solidarité et son appui à la Tunisie et aux Tunisiens dans leurs efforts en vue de la mise en place d’une démocratie stable, de l’Etat de droit et du pluralisme démocratique dans le plein respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales." Le 7 février, soit près d’un mois après le départ du Président Ben Ali, le Conseil adopte une décision visant à imposer le gel des avoirs "appartenant à ou contrôlés par les personnes considérées comme responsables du détournement de fonds publics en Tunisie et aux personnes qui leur sont associées."

Transition démocratique et immigrants tunisiens au menu de la visite de Catherine Ashton

L’objet principal de la visite de Catherine Ashton à Tunis était le soutien à la transition démocratique, quelle que soit par ailleurs la hantise des Européens de voir les islamistes de Ennahda (Initialement nommé Mouvement de la tendance islamiste (MTI), cette force politique très puissante à la fin des années 80 a ensuite été interdite par le régime de Ben Ali. Ses sympathisants ont fait depuis l’objet d’une féroce répression tandis que leur chef, Rached Ghannouchi - sans liens de parenté avec le Premier ministre -, s’était exilé en Grande-Bretagne après avoir été condamné à mort. Le 31 janvier ce dernier est rentré en Tunisie, renforçant la crainte d’une prise de pouvoir des islamistes.) récupérer la révolution, en l’absence d’une opposition constituée. Le gouvernement provisoire formé par le Premier ministre sortant, Mohammed Ghannouchi, le 17 janvier, faisait de plus l’objet d’une vive contestation du fait de la présence majoritaire de membres de l’ancien gouvernement et du parti quasi-unique de l’ancien pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). (6 ministres sur 9) Mohammed Ghannouchi lui-même, bien que n’étant pas présenté comme un fidèle de l’ancien président, était inévitablement associé à sa politique. Sous la pression des manifestants, il procéde le 28 janvier à un important remaniement, écartant les principaux caciques de l’ancien régime et le 6 février à la suspension du RDC dans l’attente de sa dissolution officielle. C’est dans ce contexte instable que prenait place la visite de la Haute représentante de l’UE.

Un autre dossier sensible est venu s’ajouter à l’ordre du jour de cette visite : celui de l’afflux d’immigrés tunisiens sur l’île de Lampedusa (située à 140 km des côtes tunisiennes) provoquant une crise diplomatique entre Rome et Tunis. Suite à la proposition du ministre italien de l’Intérieur, Roberto Maroni, d’envoyer des forces de police en Tunisie pour bloquer ces flux d’immigrants, Mohammed Ghannouchi avait fermement rappelé au respect de la souveraineté de la Tunisie. Les Européens, quant à eux, se montraient incapables de répondre à cette situation, malgré les appels à l’aide du gouvernement italien dénonçant l’absence de solidarité.

S’en tenant à des considérations générales, en soulignant que la Commission "travaillait dur" sur ce dossier de l’immigration et que l’essentiel était de "préserver la sécurité des personnes et celle de l’Italie", Catherine Ashton venait avant tout annoncer le déblocage d’une aide d’urgence de 17 millions d’euros en faveur de la Tunisie, sur un engagement financier total de 258 millions d’euros d’ici 2013. Cette aide comprend un volet politique – pour la préparation des élections prévues en juillet (le 26 janvier une mission de Hauts fonctionnaires du SEAE a ainsi été envoyée en Tunisie) – et économique. La Haute représentante s’est enfin prononcée pour une reprise et une accélération des négociations en vue de l’octroi à la Tunisie de statut avancé : "L’Union européenne sera l’alliée principal de la Tunisie pour aller vers la démocratie", a-t-elle déclaré.

La diplomatie au cœur de la construction européenne

La diplomatie européenne naissante est donc apparue dépassée par la "révolution de Jasmin" comme elle a été prise de court par les mouvements de révolte qui se sont étendus dans une bonne partie du monde arabe. Il lui faut se ressaisir, d’autant que les divisions entre Européens s’affichant au grand jour ont encore affaibli l’Europe sur la scène internationale. Sur le court terme l’Union européenne devra se montrer capable d’accompagner efficacement la transition démocratique des pays arabes qui sont ses voisins immédiats. Sur le moyen terme, elle devra repenser sa politique de partenariat pour faire en sorte que l’Union pour la Méditerranée soit un projet qui réponde aux aspirations des peuples, à la fois économiques, mais aussi politiques et démocratiques. Sur le long terme, elle devra donner corps à la politique étrangère européenne.

La crainte du chaos et la peur de la montée de l’islamisme dans beaucoup des Etats où se déroulent les révolutions arabes, cruellement réprimés par des dirigeants dont la légitimité est mise en cause, ne justifie pas la paralysie de l’action européenne. C’est plutôt une chance pour l’Europe de repenser en profondeur ses modes d’action diplomatique. Créer un poste de ministre des Affaires étrangères européen fut un bon choix du traité de Lisbonne. Encore faut-il que les Etats jouent le jeu en s’accordant sur des compromis et en accordant à la titulaire de la fonction la confiance indispensable à sa crédibilité – qui est celle de l’Europe – vis-à-vis du reste du monde.

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