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Intervention du 21/11/07

Des statuts européens pour les entreprises

La société européenne - Societas Europaea ou SE est née en octobre 2001, après 30 ans d’intenses débats au niveau européen. Lié à la création du marché intérieur et de l’euro, ce projet fondamental de la construction européenne reste pourtant largement méconnu par les citoyens et entrepreneurs européens.

En novembre 2007, l’association Europe&Entreprises a organisé une conférence sur le thème, "Des statuts européens pour les entreprises", autour de deux témoins et acteurs importants de la création du statut de SE : Madame Noëlle Lenoir, ancienne ministre déléguée aux Affaires européennes qui a remis au garde des Sceaux et rendu public un rapport intitulé "Societas Europaea ou SE. Pour une citoyenneté européenne de l’entreprise" , le 19 mars 2007 ; et Etienne Pflimlin, Président du Crédit Mutuel qui a participé auprès du mouvement coopératif européen à l’émergence du statut pour les coopératives.


Intervention de Noëlle Lenoir

La SE dans le temps

Tout d’abord, l’initiative de la demande de ce rapport revient à Pascal Clément, alors ministre de la Justice. Ce rapport rappelle que le projet de statut de société européenne est avant tout issu d’une initiative française au sein du Conseil de l’Europe dès 1949. Ce projet a ensuite été repris, après l’entrée en vigueur du Traité de Rome, dans le cadre du Marché commun. La première proposition officielle de la Commission européenne date de 1970. Comparer cette proposition au Règlement du 8 octobre 2001 est révélateur de l’évolution de l’Europe et d’une certaine baisse de ses ambitions initiales. Au départ, ce statut devait devenir un véritable code de commerce communautaire se suffisant à lui-même et qui aurait permis une application identique dans tous les Etats membres. Il était en fait de nature fédérale. Plusieurs blocages, notamment issus de positions de nouveaux membres comme l’Irlande ou la Grande-Bretagne, mais également de l’Allemagne l’ont transformé en un statut mixte, mi-communautaire, mi-national. Finalement, il se présente comme un cadre ayant valeur d’une harmonisation minimale accompagnée d’un système d’options (“opt out” et “opt in”.) Ainsi, une société européenne basée au Royaume-Uni ressemblera plus à une société anonyme britannique qu’à une société européenne basée par exemple en Allemagne.

Comment créer une SE

Créer une SE peut se réaliser de différentes façons : par fusion transfrontalière, par transformation de SA en SE, par la création d’une SE holding ou d’une SE filiale. Les deux premiers cas représentent à eux seuls 85% des SE actuelles.

Les avantages de la création de la SE

- Renforcer l’identité européenne de l’entreprise est le premier avantage. Une entreprise peut ainsi promouvoir un « produit européen » plus facile à vendre qu’un produit trop marqué nationalement. Cette fonction d’identification a été revendiquée par le Président d’Allianz SE dès l’immatriculation de l’entreprise sous ce statut en octobre 2006. Le projet de fusion Suez-Gaz de France envisage en ce sens un éventuel statut européen.
- Favoriser la mobilité : si aujourd’hui une personne physique circule plus librement qu’une personne morale, l’objectif de la SE est bien de pallier à cette lacune. Un Etat membre ne peut pas s’opposer à l’établissement d’une société sur son territoire. La SE est la seule forme sociale bénéficiant à l’heure actuelle d’une entière liberté d’établissement, tant secondaire (création d’agences, succursales ou filiales), mais aussi primaire (transfert de siège)
- Simplifier les structures : le statut de SE permet aux entreprises de restructurer et de simplifier les relations juridiques entre les établissements basés dans différents Etats européens. Cette simplification va également dans le sens d’une supervision simplifiée. Cette restructuration peut prendre la forme d’une “succursalisation” (transformation de filiales en succursales) ou au contraire d’une filialisation (création d’une chaîne de SE filiales unipersonnelles à la gouvernement partiellement harmonisée avec celle de la SE société mère).

Allianz, Porsche, Scor, Viel et Compagnie finances…ces entreprises ont choisi le statut de société européenne (SE) et voient désormais le terme de SE accolé à leur nom. Aujourd’hui, une centaine d’entreprises ont décidé de franchir le pas, 42% l’ont fait sous transposition allemande quand seulement six entreprises ont décidé de le faire sous transposition française. 25% des immatriculations SE le sont dans le secteur de la banque et de l’assurance. Les restructurations auxquelles donne lieu la constitution en SE sont l’occasion en effet de rationaliser le contrôle prudentiel et d’optimiser ainsi l’allocation des fonds propres. La SE, pour perfectible qu’elle soit, est une formule d’avenir pour les entreprises opérant dans la Communauté. Elle souffre d’un manque de communication sur ses modes de création, son fonctionnement et ses avantages.

Intervention d’Etienne Pflimlin

Deux problématiques peuvent, au préalable, être mentionnées comme pertinentes pour les statuts européens.

Tout d’abord, celle de l’intégration européenne qui illustre la nécessaire intervention en direction d’une simplification des procédures pour les activités transfrontières. En cela, l’harmonisation des normes ou l’apparition d’un 28ème régime qui viendrait suppléer les 27 autres ne sont pas des projets ayant abouti.

Ensuite, la problématique la plus probable et de fait acceptable pour le mouvement coopératif est celle d’un débat identitaire. L’Europe s’est construite sur une approche libérale, non pas par l’ambition absolue des fondateurs, mais plutôt par l’impulsion répétée de la Commission européenne. Finalement cette orientation a privilégié un seul et unique type d’entreprise : la société cotée en bourse et si possible opéable. L’objectif clairement recherché par la Commission devient alors l’optimisation de la concurrence.

De ce contexte émerge une dynamique forte de nombreux acteurs qui entreprennent sous une autre forme d’entreprise. La reconnaissance européenne de statut tel que celui de la coopérative est alors un enjeu majeur de préservation de la diversité d’entreprendre comme peut exister une diversité dans nos modèles de démocratie politique. Ainsi, le statut européen pour des coopératives est avant tout l’expression d’une recherche de solutions collectives face à une dynamique banalisatrice initiée par la promotion d’un modèle unique. Or comment banaliser un mouvement composé de coopératives, de mutuelles, d’associations et de fondations qui, en Europe, implique un Européen sur trois ? L’Europe compte 300 000 coopératives, les banques coopératives totalisent 700 000 salariés, représentent 20% de parts de marché, en France elles pèsent 60% des dépôts et plus de 60 millions de personnes sont sociétaires d’une banque coopérative, un chiffre qui égale la population française grâce à la multi-bancarisation. Signe des temps d’une promotion portée par un mouvement structuré, les coopératives européennes viennent de créer une association de plus de 300 000 entreprises dont le rôle principal est le lobbying pour la reconnaissance de l’identité coopérative.

Une coopérative se distingue par sa gouvernance originale, démocratique, où les sociétaires, tous les sociétaires exercent leur droit de vote en Assemblée générale selon le principe « une personne, une voix ». Tous sont égaux, tous s’expriment. Ce mode de fonctionnement se distingue donc fortement des sociétés anonymes où la détention du capital détermine le droit de vote et la satisfaction des intérêts. Les coopératives sont des sociétés de personnes dans lesquelles des administrateurs bénévoles s’impliquent pour orienter, diriger la coopérative à tous les niveaux, qu’ils soient local, régional ou national. Le Crédit Mutuel compte ainsi 35 000 salariés et 24 000 administrateurs. Chacune des 2 000 Caisses locales comprend un Conseil d’administration et organise son Assemblée générale. Nos 7 millions de sociétaires sont ainsi invités à participer aux 2 000 Assemblées générales, aux 20 000 Conseils d’administration.

Les coopératives sont très tôt reconnues par l’Europe notamment grâce à l’article 48 du Traité de Rome : « par sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l’exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif ». Un état de reconnaissance s’impose alors. Cependant, le statut de coopérative n’existe pas partout, le statut européen devait permettre une adoption de ce statut dans ces Etats-membres. Un double enjeu de reconnaissance et de promotion du statut juridique était alors poursuivi. La question du statut européen a fait l’objet d’un long débat. Il est surprenant de constater que la question du statut a été fortement ralentie pendant des années par les coopérateurs eux-mêmes. Dès lors qu’ils se mirent d’accord sur un seul et même projet de statut commun, les coopérateurs ont mis en branle une dynamique commune difficile à arrêter. L’union, la recherche des éléments communs, partagés et essentiels à la coopérative ont amené un changement d’attitude et une réussite européenne : le statut européen était en route. En 2003, le règlement du Conseil relatif au statut de la société coopérative européenne (SCE) était adopté, en 2004, une communication de la Commission sur la promotion des sociétés coopératives en Europe était réalisée, en septembre 2007, le Conseil des ministres français adopte le projet de loi transposant la directive sur la SCE.

Le statut européen pour les coopératives peut être obtenu selon quatre modalités : il peut être créé ex nihilo – ce qui est une nouveauté au regard du statut pour les sociétés anonymes-, soit une coopérative européenne se crée à l’initiative de deux coopératives de deux pays différents, soit deux coopératives fusionnent, soit, enfin, une coopérative nationale se transforme en société coopérative européenne. Il conviendra d’être attentif à l’utilisation prochaine de ce statut et à ses modalités pratiques…

Tirer un bilan des autres statuts européens, nous amène à constater que le retrait de plus de soixante directives engagé par J.M. Barroso a failli écarter le statut des mutuelles et des associations. Aujourd’hui, l’appui du Parlement européen est important, un accord est intervenu entre les mutuelles, une grande rencontre est également prévue en décembre pour le mouvement associatif. Ce sont autant de preuves d’une dynamique engagée, pour une nouvelle promotion de statuts européens pour les mutuelles et les associations.

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)
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