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Entretien du 30/04/12
Giovanni Caracciolo
Ambassadeur d'Italie en France

Sur l'immigration en Europe, on pourrait faire beaucoup plus

 La mise en place du gouvernement "Monti"

Cercle des Européens: Comment réagit la population italienne au fait d'avoir un gouvernement dit "technique" ?

S.E.M. Giovanni Caracciolo: l'Italie n'est pas complètement novice par rapport à des formules et des expériences de gouvernements formés essentiellement de technicien de grandes réputation. Avec le gouvernement de M. Ciampi, lui aussi dit "technique", nous avons pu entrer dans l'euro. C'est une décision sage sur le parcours de ce qu'il fallait faire pour enrayer la dette. La droite avait les idées très claires d'un côté mais elle n'y arrivait pas en raison de problèmes dans l'alliance gouvernementale. La gauche quant à elle attaquait la droite comme fait toute opposition qui se respecte dans un système démocratique. Alors nous aurions pu avoir l'alternative des élections immédiates mais le risque était très haut avec la dimension et l'envergure de l'attaque des marchés contre l'euro et l'Italie. Ce gouvernement d'objectifs est entrain de prouver qu'il a de bons résultats.

Cercle des Européens: Etait-ce important de nommer à la tête de ce gouvernement une personnalité reconnue au niveau européen ?

S.E.M. Giovanni Caracciolo: C'était non seulement important au niveau européen, mais c'était naturel du point de vue italien. Beaucoup plus que dans de nombreux pays européens, voir même de pays fondateurs, l'idée de l'Europe est dans l'ADN des Italiens. Cela explique par exemple que pour l'instant la réaction de l'opinion publique aux sacrifices demandés pour l'enrayement de la dette est plus légère que celle enregistrée en Grèce ou en Espagne. C'était naturel dans la vieille tradition de l'Italie de choisir quelqu'un lié à cet idéal européen.

Cercle des Européens: Le couple franco-allemand est très présent dans cette crise. Comment est-ce perçu dans votre pays ?

S.E.M. Giovanni Caracciolo: A la différence peut-être de la France ou de l'Allemagne, notre pays a toujours eu une vocation très forte en faveur de la méthode communautaire, plus proche de l'idée fédérale. De ce point de vue-là, nous n'avons jamais été jaloux de l'axe franco-allemand, considéré comme l'une des bases de l'Union européenne ou du processus idéal même de l'intégration européenne. Toutefois, nous considérons que la méthode communautaire et ses institutions, réformées il n'y a pas encore si longtemps, doivent avoir leur place dans ce processus de conclusion de nouveaux traités.

L'immigration et les relations France / Italie

Cercle des Européens: L'Italie est une porte d'entrée de l'immigration en Europe... Est-ce difficile à gérer ?

S.E.M. Giovanni Caracciolo: Au moment des premières invasions d'immigrés clandestins venant de l'Est avec l'Albanie, nous avons essayé d'expliquer à nos partenaires européens que les 7.900 km de côtes de l'Italie sont aussi les frontières de l'Europe. On ne nous a pas beaucoup entendu ou écouté à l'époque. Dans le domaine du contrôle de l'immigration clandestine, et en-dehors de petits couacs liés à des problèmes aïgues de crise maghrébine, la collaboration franco-italienne a été exemplaire et continue de l'être. Je crois qu'on pourrait faire beaucoup plus que des agences comme Frontex ou le contrôle par des patrouilles navales de certaines parties de nos côtes. Mais là, il s'agira d'un effort de la France et de l'Italie avec d'autres pays de la méditerranée qui s'associeront à nos initiatives communes.

Cercle des Européens: Y a-t-il encore des traités bilatéraux entre la France et l'Italie ?

S.E.M. Giovanni Caracciolo: il y en a plusieurs, même dans des domaines couverts par le partenariat européen. Nous n'en avons pas souvent besoin. Je pense cependant à un cas de figure peu connu mais qui à mon avis est vraiment un exemple européen très intéressant. C'est la récente constitution d'un consortium italo-français suite à un appel d'offre gagné par une société italienne, Autostrade, pour le contrôle télématique du CO2 des poids lourds sur les autoroutes, financé par la France. Cela a été possible parce que ce consortium se base sur plusieurs entreprises d'excellence des deux pays. Notre Ambassade est devenue la maison des relations commerciales entre la France et l'Italie

Le Service Européen d'Action Extérieure

Cercle des Européens: Quel bilan tirez-vous du lancement du Service Européen d'Action Extérieure (SEAE) ?

S.E.M. Giovanni Caracciolo: C'est un moment de vérité et d'analyse pour ce service. Il s'agit d'une inititative indispensable et à laquelle on ne peut pas renoncer. Nous sommes un peu dans l'attente pour l'instant d'une réelle politique européenne en la matière... Même avec les missions déjà assignées à ce service. Je suis très conditionné de ce point de vue par mon expérience d'ambassadeur dans les Balkans. Nous avions vécu alors directement l'importance de la diplomatie bilatérale de nos pays en lien avec celle de M. Javier Solana, très active à l'époque.

Cercle des Européens: Ne manque-t-il pas un vrai pouvoir politique pour faire du SEAE une diplomatie européenne complète ?

S.E.M. Giovanni Caracciolo: Très bonne question. Si je réponds en diplomate, je vous dirais non... mais après réflexion, cela n'est pas vraie. Par exemple, notre métier traditionnel de diplomatie bilatérale est affaibli du fait de notre appartenance à l'Union européenne, à l'Otan ou d'autrs organisations multilatérales. Nous devrions y réfléchir plus.

L'ambition de construire un service européen à l'image d'un service diplomatique national est un peu incongrue s'il n'y a pas un pouvoir politique fort qui dirge une politique étrangère commune. Le service diplomatie nationale, domestique, multilatérale, latéral est dans une position difficile et pas seulement en France. Il est remis en question par des experts, partout, alors que nous revendiquons une une technique spécifique à la diplomatie. C'est quelque chose qui évolue et qu'il faut suivre avec grande intention.


 

Informations sur Giovanni Caracciolo
Giovanni Caracciolo di Vietri fait toutes ses études au Lycée Chateaubriand de Rome où il a obtenu son baccalauréat avec mention. Docteur en Droit à l’Université de Rome, il est entré dans la carrière diplomatique en 1971 après avoir été reçu au concours major de sa promotion. En 1985 suite à l’élection de Francesco Cossiga au poste de Président de la République, il exerce les fonctions de conseiller diplomatique adjoint puis de directeur de Cabinet du Secrétaire Général du Président de la République.

Nommé Ambassadeur à Belgrade en janvier 2000, il participe de près à la phase finale de la Présidence Milosevic en établissant des liens spécifiques avec l’opposition démocratique (DOS) et en exerçant également ses compétences sur le dossier parallèle du Kossovo. En janvier 2004, il devient directeur général au ministère pour les Pays de l’Europe et s’occupe des relations bilatérales de l’Italie avec tous les Pays européens ainsi que la Russie et la Turquie. En ce qui concerne les relations avec la France, il a été responsable de la préparation de deux sommets bilatéraux durant la Présidence Chirac ainsi que le promoteur, en étroite coopération avec le Palais Farnese, de la création du Forum de Dialogue entre sociétés civiles française et italienne, toujours en vigueur. Il s’est en outre occupé directement de tous les dossiers d’intérêt spécifique entre l’Italie et la France.

Depuis octobre 2006 il a exercé les fonctions d’Ambassadeur et de Représentant Permanent auprès des Nations Unies à Genève. Ambassadeur agréé à Paris depuis le 11 mai 2009, il a présenté les lettres de créances au Président de la République française M.Sarkozy le 2 juillet 2009.
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